
L'opinion publique française porte un jugement sévère sur les sociétés du
CAC 40. Leurs dirigeants sont perçus comme des affairistes cosmopolites qui
délocalisent à tour de bras pour profiter de la main d’œuvre la moins chère
tout en s'octroyant des salaires indécents, parfois accompagnés de parachutes
dorés. Cette hostilité est seulement tempérée par un sentiment de fierté
patriotique lorsqu'Airbus remporte un contrat fabuleux aux émirats ou lorsqu'un
pays d'Amérique du sud choisit de faire appel au savoir-faire français dans le
domaine de la distribution de l'eau.
Tout en entretenant d'excellents rapports avec les patrons du CAC 40, nos
dirigeants politiques, toutes tendances confondues, s’accommodent fort bien de
la vulgate populaire à leur sujet. Ils vont même jusqu'à l'entretenir, puisque
ce sentiment de méfiance ou de rejet de la population leur permet d'imputer nos
difficultés à la fameuse "mondialisation libérale" c'est à dire à des
externalités économiques et politiques. Les sociétés du CAC 40 seraient donc le
résultat de la mondialisation libérale c'est à dire au fait de produire
n’importe où (délocalisation libérale), avec n’importe qui (migration
libérale), pour vendre à n’importe qui (marché sans frontière et affranchi des
pouvoirs politiques). Dans l'imagerie dirigiste, complaisamment relayée par les
médias, le "pouvoir de l'argent" a supplanté celui des États, supposés vertueux
mais dépassés par la mondialisation galopante. Cette perception du public
permet aux gouvernements de justifier toujours plus d'intervention et de
proximité avec ces sociétés que l'État prétend "contrôler" pour mieux préserver
les intérêts des français.