L'affaire du barbecue - décryptage

Dans ce que l'on peut dorénavant appeler "l'affaire du barbecue", Sandrine Rousseau a continuellement changé le sujet de ses attaques et de ses auto satisfactions sans que ses contradicteurs s'en aperçoivent. Ce billet vise à décrypter et à analyser la méthode Rousseau et sa relation avec le mouvement woke.
Sandrine Rousseau est une woke, une "éveillée". Elle appartient à une famille politique qui considère que les enjeux de pouvoir peuvent et doivent contraindre le savoir.
Il n'existe aucune réalité objective pour les woke, seulement des rapports de domination entre groupes humains, qu'ils se se sont fixés pour but de dénoncer. Ce fond "philosophique" est perceptible dans toutes les interventions polémiques de Sandrine Rousseau. Elle ne suit jamais un fil directeur, ne cherche jamais à raisonner, mais change continuellement de sujet pour provoquer les réactions négatives de ses adversaires politiques qui vont de la droite à la gauche progressiste héritière des lumières. C'est ce que le postmodernisme appelait le "brouillage des frontières". C'est une technique à part entière qui consiste à rester dans la provocation et dans l'attaque plutôt que dans la recherche d'un consensus et de solutions. On a très bien pu mesurer cette technique avec "l'affaire" du barbecue.

La sentence initiale de Sandrine Rousseau et ses implications

Les 25, 26 et 27 août derniers se tenait l’édition 2022 des journées des écologistes à l’université Grenoble Alpes. C'est à cette occasion que la députée a affirmé : "Il faut changer aussi de mentalité pour que manger une entrecôte cuite sur un barbecue ne soit plus un symbole de virilité". Cette première sentence est d'emblée extrêmement polémique et sujette à controverse puisqu'elle présente la virilité comme un fait culturel dont le barbecue est un élément constitutif et que l'on pourrait changer. Nous sommes ici sur le terrain de prédilection des woke qui considèrent que tous les faits de société résultent de constructions sociales qu'il faut dénoncer.
Malheureusement pour les wokes, dans le débat sur ce qui relève de la nature et de la culture, la science ne leur donne pas raison.
Car contrairement à la croyance woke du tout culturel dans la détermination du comportement, les généticiens ont bien mis en évidence des disparités de comportement et de cognition entre les genres. D'une manière plus générale, la génétique du comportement, la sociobiologie, la biologie et la psychologie évolutionniste ainsi que les neurosciences cognitives contredisent totalement la théorie de l'ardoise vide (ou table rase) défendue par les woke. Les preuves expérimentales de l'existence d'une Nature Humaine et du fait que de nombreux caractères psychologiques et comportementaux, dont l'intelligence et la sociabilité, se transmettent de manière héréditaire et indépendamment de la culture, sont aujourd'hui écrasantes.
Cf "The blank slate", de Steven Pinker (Comprendre la nature humaine, Odile Jacob 2005) qui expose les résultats de travaux scientifiques, dans les neurosciences, l’anthropologie, le cognitivisme, la sociobiologie, la génétique du comportement et la biologie évolutionniste.

Les woke, derniers adhérents à la théorie de l'ardoise vide

Cette opposition à la notion de Nature Humaine n'est pas l'apanage des woke. La gauche socialiste a toujours été très méfiante vis à vis de cette notion qui est pourtant à l'origine des droits de l'homme libéraux et de l'universalisme. Voir Libéralisme, socialisme, l’origine idéologique de la division.  L'idée que l'on puisse être socialement dépendant de son hérédité a toujours profondément déplu à cette gauche constructiviste. Les communistes ont ainsi nié la notion d'individualisme et le sentiment de propriété qu'ils interprétaient comme des créations bourgeoises que l'on pouvait déconstruire pour bâtir un être humain générique et désintéressé. On connaît les résultats de ce présupposé. Les woke ne s'en tiennent pas à ces traits du caractère humain et prétendent que tout ce qui contribue à générer des inégalités, réelles ou ressenties, est culturel donc peut être dénoncé et déconstruit. Il en va ainsi du genre mais aussi de la race, de la colonisation ou de la corpulence.
Cf. de Helen Pluckrose et James Lindsay : "Le triomphe des impostures intellectuelles", comment les théories sur l'identité, le genre, la race gangrènent l'université et nuisent à la société. Editions H&O, 2021
L'opposition à l'ardoise vide se retrouve aussi chez certains libertariens et dans les mouvements religieux qui refusent absolument l'idée que l'Homme, créature divine, puisse ne pas être entièrement libre. L'idée que, comme les animaux, une partie de son comportement résulte de déterminants génétiques leur est insupportable.
Le cerveau humain vu comme une ardoise vide sur lequel la culture vient imprimer toutes les connaissances et toutes les oppressions connaît donc un regain paroxystique, et caricatural chez les woke, héritiers de la philosophie postmoderne.

Premier changement de posture de Sandrine Rousseau

L'attrait du barbecue pour les hommes fait-il partie de déterminants génétiques ou bien est-il purement culturel ? Aucune de ces hypothèses n'est à rejeter à priori et l'attitude rationnelle en la matière serait de s'en remettre à des chercheurs qui voudront s'emparer du sujet. Ce n'est pas la méthode adoptée par Sandrine Rousseau qui postule autoritairement que l'attrait du barbecue pour les hommes est une affaire de "mentalité" que l'on peut "changer". Aucun journaliste n'a essayé de prendre en défaut Sandrine Rousseau sur ce terrain mais prudemment, elle a rapidement changé son argumentation. Elle a feint d'être attaquée sur la réalité de l'attractivité du Barbecue pour les hommes. Or il y a peu de doute sur ce fait ; les contre exemples de femmes utilisant des barbecues ou la liberté qu'elles ont de le faire ne peut masquer la réalité statistique de la pratique majoritairement masculine du barbecue. Sandrine Rousseau a donc déplacé la controverse vers un terrain où elle était sûre de gagner. On est passé de : "pourquoi les hommes utilisent-ils plus le barbecue que les femmes ?" à "les statistiques prouvent que les hommes utilisent plus le barbecue que les femmes" - ce que Sandrine Rousseau et pas mal de commentateurs ont interprété comme une victoire de son "argumentation".

Mélange des thèmes, brouillage des frontières

Les changements de posture ne vont pas s'arrêter là et, tout au long de cette polémique, Sandrine Rousseau va mélanger plusieurs questions distinctes que l'on peut décomposer ainsi :

  • Les manifestations de la virilité résultent-elles d’une construction sociale ou de différences génétiques innées propres aux hommes ?
  • Les hommes font-ils plus souvent des barbecues que les femmes ?
  • Les hommes mangent-ils plus de viande que les femmes ?
  • La viande est-elle bonne pour la santé ?
  • La viande, donc l'élevage sont-ils bons pour l'environnement ?

En passant sans transition de l'une à l'autre de ces questions Sandrine Rousseau se sert d'évidences ou d'idées bien ancrées dans l'opinion (voire de stéréotypes tels que "la viande est mauvaise pour la santé") pour prétendre valider sa première affirmation qui l'est beaucoup moins. Même sur des questions purement factuelles comme la quantité de viande mangée par les hommes et les femmes elle se trompe puisque relativement à leur masse musculaire et à leur poids les femmes mangent autant de viande que les hommes. Mais la question n'est pas là, Sandrine Rousseau, comme le mouvement woke en général, prétend par ce brouillage des concepts "prouver", contre le consensus scientifique, que la virilité est une pure construction sociale, point de départ et point d'arrivée de "l'affaire du barbecue".

Des médias peu préparés au brouillage idéologique woke

Sandrine Rousseau a donc réussi à duper tous les médias en utilisant ce stratagème mis au point par les théoriciens du postmodernisme appliqué. Pas besoin de talent particulier pour ce faire, plus on est brouillon et agressif, plus on se pose en victime, plus on mélange des thèmes consensuels et d'autres qui le sont beaucoup moins et mieux ça marche. En étant suffisamment flou et imprécis on va pouvoir rallier les opposants à l'élevage, les végétariens et les vegans, et enfin la masse de ceux qui considèrent que oui, les hommes font plus de barbecue et mangent plus de viande que les femmes et que l'abus de viande est mauvais pour la santé et pour la planète. Tout cela pour prétendre valider un postulat qui n'a strictement rien à voir avec ces sujets, à savoir que la virilité est une construction sociale.

Si les journalistes ne font pas l'effort nécessaire pour se renseigner sur la Théorie (le postmodernisme appliqué)  et sur les études critiques en Justice Sociale ("la Théorie" et la "Justice Sociale" s'écrivent bien avec des majuscules chez les wokes) ils continueront à se faire littéralement balader par leur brouillard idéologique anti science, anti progrès et anti lumières. Car l'affaire est grave, la virilité, simple affaire de "mentalité" nous rappelle fortement l'homosexualité, interprétée comme une déviance culturelle et mentale que l'on pouvait corriger. Face à ces dérives insupportables, la gauche des droits de l'Homme, libérale, progressiste et universaliste ne doit pas baisser les bras.

Les réactions des médias, morceaux choisis

TF1 pensant conforter la position de Sandrine Rousseau cite Arnold Schwarzenegger :
"C’est du grand marketing de la part de l’industrie de la viande", poursuit l’interprète de Terminator. "On vous vend l’idée que les vrais hommes mangent de la viande. Mais il faut bien comprendre que c’est du marketing. Ce n’est basé sur aucune réalité".
Il faut bien suivre le raisonnement dans lequel TF1 s’est laissé embarquer : parce que l’industrie de la viande fait de la publicité à destination des hommes, cela « prouve » que la consommation de viande des hommes est construite par la publicité.
Mais on peut aussi comprendre que la publicité s’adresse à ceux qui consomment le plus de viande et qui, aimant manier le barbecue, sont une clientèle plus facile à toucher.
Donc sauf à considérer Arnold Schwarzenegger comme un spécialiste en génétique du comportement cela ne prouve strictement rien.
Quand Arnold Schwarzenegger tenait le même discours que la députée

Le Huffington Post sous la plume de Marine Le Breton :
"Derrière son apparente légèreté, ce sujet - les hommes et le barbecue - pose de réelles questions de fond : celle du lien entre la viande et le réchauffement climatique, et celle du décalage dans la consommation de viande des femmes et des hommes. Dans les deux cas, il existe des chiffres et des données permettant largement d’étayer les propos de Sandrine Rousseau."
Une parfaite assimilation de la bouillie intellectuelle de Sandrine Rousseau. Tous les sujets se mélangent et prétendent se renforcer les uns les autres.
Derrière la polémique "barbecue et virilité" c'est l'écoféminisme qu'il faut comprendre

Le Figaro
"Invitée ce dimanche du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI , la députée écologiste EELV Sandrine Rousseau est revenue sur les propos polémiques qu'elle a tenus la semaine dernière sur le barbecue, symbole pour elle, «de virilité». «Toutes les études montrent que j'ai raison», a affirmé l'élue. «Oui, les hommes consomment plus de viande, et certains en font une question d'identité»."
Confusion entre la réalité de la consommation de viande des hommes et l’origine de leur attrait pour le barbecue.
Le Figaro se fait littéralement balader sans émettre le moindre soupçon d’esprit critique ou d’analyse.
Le barbecue "symbole de virilité": "toutes les études montrent que j'ai raison" insiste Sandrine Rousseau

Le Monde, article de Mathilde Gérard
Pour Le Monde « la représentation genrée attribuée aux aliments » fait partie des « freins à la transition de l’alimentation, enjeu environnemental et de santé publique ». Le Monde dont le virage anti-science est acté (1) attribue donc la différence de consommation entre les hommes et les femmes à une « représentation genrée». Le Monde adhère totalement au brouillage des frontières et reprend tous les thèmes abordés par Sandrine Rousseau, sans questionner le principal : l’attrait du barbecue pour les hommes est-il du domaine du naturel ou du culturel ? Le titre de l'article est d'ailleurs révélateur de ce brouillage puisqu'il détourne l'attention du lecteur vers une évidence hors sujet.
(1) « En matière de santé publique, le rigorisme scientifique est une posture dangereuse », Stéphane Foucart, Le Monde, 27 octobre 2018. Sur lemonde.fr
Reconnaître que les hommes mangent plus de viande que les femmes, un progrès pour la santé et le climat

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