La réponse est oui, bien sûr, tous les revenus qui résultent exclusivement
de la loi de l'offre et de la demande sont justes puisque leur niveau mesure
les services rendus aux autres.
Mais dans l'économie étatisée, et en France plus qu'ailleurs, les hauts revenus
qui récompensent les "mieux offrant" dans un marché libre et concurrentiel sont
extrêmement rares. D'une part parce que les secteurs de l'économie libres sont
de plus en plus restreints, d'autre part parce que dans ces secteurs libres la
concurrence se charge de limiter les revenus du mieux offrant d'un jour.
La première profession à subir les attaques vertueuses de la classe politique
sont les banquiers.
Présentée depuis deux mille ans par tous les régimes comme un mal nécessaire,
la profession la plus réglementée au monde fait toujours les frais de sa
supposée appartenance à une "fausse économie" tout en finançant docilement la
"croissance" exigée par les gouvernements et les échéances électorales.
Les deuxièmes grands "coupables" désignés par les "justiciers sociaux" sont les
patrons du CAC 40, dont les salaires sont jugés indécents ou obscènes, le
qualificatif de pornographique n'ayant pas encore réussi à trouver son public.
Comme les banquiers, les barons du CAC 40 sont accusés de s'en mettre plein les
poches, ce qui est vrai, en profitant de la mondialisation libérale, ce qui est
faux puisque, partout dans le monde, les grandes entreprises croissent sous la
protection et avec l'aide bienveillante des pouvoirs publics jusqu'à atteindre
la taille qui leur permettra d'être sauvées en toutes circonstances par l'État.
Protégées par l'opacité légale des conseils d'administration, les grandes
entreprises et les banques distribuent donc à leurs patrons issus de la haute
administration des salaires proportionnels à leur respect du social-capitalisme
de connivence, sans grande corrélation avec leurs résultats il faut bien le
reconnaître.
La situation est-elle différente dans les autres domaines où l'on peut
percevoir de très hauts revenus, à savoir le sport de haut niveau et le show
business ?
En ce qui concerne le sport, la réglementation et la mainmise de
l'administration atteignent un niveau presque caricatural. Chaque sport
"officiel" est régi d'une main de fer par une unique fédération qui se voit
attribuer le monopole légal de l'organisation des compétitions. Il n'y a donc,
par exemple, qu'un seul championnat de France (ou mondial) de football et ceux
qui auraient l'idée d'en organiser un deuxième, concurrent du premier, risquent
tout simplement la prison. Les revenus démentiels des dieux du stade résultent
donc en bonne partie de l'organisation pyramidale imposée par les États nations
pour exacerber les sentiments nationalistes les plus primaires. La loi du plus
fort - la vraie - ne semble ici pas du tout déranger les étatistes.
Restent les artistes, chanteurs, acteurs, écrivains, dont les rémunérations
sont objectivement plus "justes" puisqu'elles résultent du plaisir ou de la
satisfaction qu'ils procurent à leur public. Ainsi les cachets des artistes ne
sont-ils pas proportionnels à leur travail ni même à leur talent, mais à ce
qu'un public est prêt à payer pour en jouir. En rendant possible la très vaste
diffusion des œuvres et le recouvrement de droits, les techniques modernes de
radio, télévision, cinéma, disques ont fait la fortune de certains artistes.
Mais ce qui est remarquable, c'est que lorsque ces techniques viennent à
changer et que, grâce à l'Internet et au téléchargement, l'effet de levier
artificiel dont bénéficiaient les artistes tend à disparaître, l'Etat s'en
offusque et vole au secours des très hauts revenus. Cédant au corporatisme, il
dépense des fortunes pour un appareil répressif destiné à maintenir de force
des cachets très élevés pour un petit nombre... qu'il se propose par ailleurs
de taxer au nom de la morale.
L'immoralité des hauts revenus est donc bien réelle. Elle ne résulte pas des
niveaux qu'ils atteignent mais des conditions de leur obtention. Car dans la
réalité, c'est bien à l'abri de la concurrence, contre le gré des consommateurs
et en profitant des réglementations aussi bien économiques que financières,
sportives ou artistiques, que se développent les fortunes les plus
arbitraires.
Il existe heureusement quelques exceptions ; ainsi, même manipulée par la
propagande étatiste qui essaye de faire passer la loi du mieux offrant pour la
loi du plus fort, l'opinion a instinctivement plus de respect pour les
créateurs de Microsoft, Apple ou Google que pour les gestionnaires serviles de
Total, BNP ou General Motors.
Banquiers, grands patrons, sportifs, artistes : est-ce qu'ils le valent bien ?
L'indignation vertueuse et citoyenne de la
classe politique sur les hauts revenus obéit à des codes de communication
précis. Dans la propagande dirigiste, ces attaques servent à conforter l'image
d'un État vertueux, luttant vaillamment contre les puissances de l'argent,
forcément immorales et mondialisées.
Cette posture adoptée par l'ensemble de la classe politique empêche de répondre
à la question de fond : peut-il exister de grandes fortunes ou de très hauts
revenus acceptables, c'est-à-dire justes, ou en termes plus philosophiques
conformes au droit naturel ?
1 De AnneF -
Je trouve ici exactement l'inverse du propos auquel je m'attendais sur un blog labellisé de "gauche" et qui plus est arrivant ici après un tweet sur le revenu de vie...
Bref
Et ce que je trouve dans cet article me semble tellement faux que je ne peux que réagir. J'ai même vérifié qu'il n'était pas en date du 1er avril !
Déjà la thèse : le marché de l'offre est de la demande est un système juste. Ah non, mais pardon... quelle est votre définition de la justice ??? Allez donc expliquer aux gens qui crevent de faim parce qu'ils ne peuvent pas acheter les céréales qui ont subi une spéculation hallucinante que le prix du blé est juste !
l'offre et la demande c'est le contraire de la justice ! c'est un système mis en place quand on n'a pas le courage de réguler pour apporter la justice !
Comment expliquer qu'un homme perçoive 3000 fois plus de salaire qu'un autre dans la même entreprise ? il travaille 3000 fois plus ? (souvent non, beaucoup moins) 3000 fois mieux ? il fourni 3000 fois plus d'effort ?
Comment pouvez vous, en étant de gauche appeler ca de la justice sociale ?
Limite ca m’écœure, et pourtant, je suis de droite !
Je ne peux même pas revenir sur la critique sur l'étatisme dans le foot, c'est tellement bancal que j'ai pas compris
Ma conclusion à la lecture de cet article c'est qu'au moins les libéraux de droite ils ont des restes de conservatisme et un petit parfum d'aristocratie qui leur souffle de garder un peu de régulation... à gauche, par contre les libéraux ont l'air vraiment décomplexés !
2 De Bob Shar -
@AnneF
Trouvez-vous injuste qu'un plombier qui travaille bien et à petits prix a plus de clients qu'un autre qui est plus cher et travaille mal ? C'est parce que la demande est plus forte pour le premier. La loi de l'offre et de la demande c'est ça.
Quant à votre dernier paragraphe, je trouve que c'est plutôt un compliment pour les libéraux de gauche.
3 De alcodu -
Anne,
Lorsque le marché vous fait gagner de l’argent cela veut dire que vos produits (au sens large), ou votre talent plaisent aux autres. Le marché est donc toujours mécaniquement altruiste. Il rémunère les services rendus aux autres et non le grade, le mérite, la naissance, le travail, les diplômes, le copinage, etc. qui sont les vieilles valeurs défendues à la fois par la droite et la gauche étatistes.
Toucher 3000 fois plus qu'un autre n'a absolument rien de choquant si on rend 3000 fois plus service que lui à un individu en particulier ou si on rend 3 fois plus service que lui à 1000 fois plus d'individus que lui.
4 De Nico -
@AnneF
"Allez donc expliquer aux gens qui crevent de faim parce qu'ils ne peuvent pas acheter les céréales qui ont subi une spéculation hallucinante que le prix du blé est juste !"
Allez donc expliquer au producteur de blé qu'il doit baisser son prix de vente (ou même le donner gratuitement) parce qu'il y n'y a pas assez de blé pour tout le monde. Pensez-vous qu'il trouverait cela juste ?
Je vous invite à lire ceci: http://bastiat.net/fr/oeuvres/produ... (attention, cela peut faire un peu mal au crane, mais cela vous permettra de réfléchir un peu et de répondre à quelques-unes de vos interrogations)
5 De Galuel -
Excellent post ! Je le tweete !
6 De internaciulo -
Tout à fait juste.
Symétriquement, le milliard de péquenauds qui vit avec un dollar en parité de pouvoir d'achat par jour mérite aussi tout à fait son sort puisque avec le marché libre, contrairement à ce que veut nous faire croide la propagande étatisée et dirigiste, tout est bien dans le meilleur des mondes.
7 De alcodu -
Examinez les pays ou vivent ce milliard de "péquenauds" et vous verrez que la liberté, la propriété et le libre échange n'y sont pas vraiment en vedette.
De même avant de manifester une soi-disant "solidarité" avec les peuples du tiers monde la vieille gauche étatiste ferait mieux de supprimer les barrières à l'importation des produits agricoles. Quand on défend la PAC on est malvenu de compatir aux dégâts que l'on a soi-même provoqué.
Ah mais c'est vrai, j'oubliais, les étatistes craignent la "malbouffe".
8 De internaciulo -
ça fait 30 ans que les "réformes" qui vont dans le sens du capitalisme néolibéral dominent l'agenda des banques centrales et des gouvernements de ces pays mais évidemment vous préférez ne pas l'admettre.
J'ai le même problème quand je discute avec des communistes. Eux aussi m'expliquent que c'est le paradis mais que malheureusement ça n'a jamais été appliqué. L'URSS ? Pensez-vous, c'était un capitalisme d'état disent-ils, citations indiscutables à l'appui :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Capita...
Jacques Chirac qui ne disait pas que des conneries avait bien vu ce parallèle
9 De alcodu -
Oui, cette sortie du pauvre Chirac est bien connue.
Elle est particulièrement stupide puisque le libéralisme, contrairement au communisme ne "conduit" à rien. Il n'y a pas de "sens de l'histoire" chez les libéraux. Le libéralisme est un ordre spontané. Les philosophes libéraux n'ont ni programme ni but. Ils ne s'intéressent qu'aux Droits de l'Homme. Très difficile à comprendre pour un dirigiste.
Vous confondez - comme tous les dirigistes - l'étatisation mondiale (menée par des organisations interétatiques et des banques centrales) et la mondialisation libérale (qui par définition ne peut concerner que des individus). Aucun mouvement libéral ne cautionne l'existence de banques centrales.
10 De internaciulo -
Il ne s'agit pas de "confondre", vous n'êtes pas un maître et je ne suis pas votre élève.
Vous me parlez d'une utopie, je vous parle de ce qui se fait concrètement.
Tout comme il y avait un "socialisme réel" qui avait peu à voir avec le socialisme de Proudhon, il y a que ça vous plaise ou non un "libéralisme réel" qui parfois peut prendre la forme d'un degré inouï de centralisation et de planification qui aurait fait palir d'envie les planificateurs soviétiques, pensez au succès Wall Mart ou Toyota.
11 De alcodu -
C'est donc, vous, les dirigistes, qui allez définir ce qui est ou n'est pas libéral ? Ne croyez vous pas que c'est aux libéraux de définir le libéralisme ?
A ce niveau, le dirigisme est une pathologie.
Toute tentative de réforme de la société est forcément une théorie puisque l'organisation préconisée n'existe pas. Traiter "d'utopie" toute théorie est la définition même d'une position réactionnaire.
Les philosophes et économistes libéraux rejettent catégoriquement le dirigisme des banques centrales et le capitalisme de connivence et ils L’ÉCRIVENT TOUS depuis 200 ans.
Au contraire, les intellectuels et théoriciens communistes ont très largement cautionné l'URSS qu'ils ont reconnu comme la "patrie du communisme", avec d'autres régimes encore plus épouvantables. C'est UN FAIT.
Dernière remarque : Proudhon était plus proche des idées libérales que du socialisme dans sa définition actuelle, et il rejetait catégoriquement le communisme. Donc mauvais exemple (n'y voyez bien entendu aucune relation de maitre à élève).
12 De ooalex -
Votre article recueille mon attention. et j'ai le sentiment de partager en partie votre point de vue. Cependant dans un monde parfaitement libéral, comment intègre t'on les personnes qui ne sont pas en capacité de produire? Ni y'a t'il pas des inégalités physiques (maladie) qui empêchent l'application brute de votre modèle?
13 De alcodu -
Toute société civilisée doit aider les personnes incapables de produire donc incapables de subvenir à leurs besoins.
Les différents courants libéraux n'ont pas les mêmes réponses sur les modalités à mettre en œuvre pour ce faire : sociétés de secours mutuels - aide associative et même aide de l’État pour les handicapés.
La gauche libérale est moins optimiste que les plus libertariens sur la capacité de la société civile à traiter entièrement le problème. Nous souhaitons donc mettre en place le mécanisme de l'allocation universelle qui se substitue à TOUTES les aides existantes (sauf celles spécifiques pour les handicapés).
http://www.gaucheliberale.org/post/...
Le principe fondamental d'une aide d’État libérale et ce qui la distingue d'une aide d’État socialiste c'est qu'aucun homme politique ne doit pouvoir s'en prévaloir ou en tirer parti pour se faire élire.
Il doit donc y avoir une séparation - la plus totale possible - entre le social et l’État.
14 De RJ -
Brillant !! Merci pour ces contributions, je devore litteralement votre blog.
Cdlt,
RJ