Défenseur acharné de la propriété privé, du libre contrat, de l'enseignement libre, de la concurrence, Proudhon considère qu'il est illusoire de s'en remettre à l'État pour corriger les inégalités. Il critique les grands noms du socialisme de l'époque à qui il reproche de perpétuer le vieux schéma d'un pouvoir central source de violence et d'arbitraire. Il n'admet pas le concept de justice sociale. Pas d'assistance, pas de charité légale, pas de pseudo "solidarité" exercée par l'État. C'est la société civile qui doit trouver des solutions économiques au problème des inégalités et à l'émancipation de la classe ouvrière ou paysanne. A l'instar des libéraux il considère que le socialisme est une régression par rapport aux principes de 89 et n'a pas de mots assez durs pour qualifier les théories communistes.
Proudhon est le premier à considérer que l'anarchie est un ordre social, une forme d'organisation évoluée : "la délimitation du rôle de l'État est une question de vie ou de mort pour la liberté, collective ou individuelle."
S'il critique les théories des socialistes tout en se rangeant viscéralement
de leur côté, à l'inverse Proudhon refuse d'adhérer au camp des économistes
(les libéraux de l'époque) tout en adoptant une bonne partie de leurs thèses.
Il dénonce leur froideur et leur indifférence aux malheurs du peuple. Autre
point de confrontation il persiste pendant toute sa vie à considérer les
revenus du crédit comme injustes et s'oppose à Bastiat dans une correspondance
publiée dans La voie du peuple.
Son cri : La propriété, c'est le vol le rend célèbre mais il en
relativise toute sa vie la portée pour préciser que c'est la répartition
effective de la propriété à son époque qu'il considère comme
un vol et non la propriété elle-même qu'il qualifie de force
révolutionnaire fondatrice de la société anarchiste.
Son ordre anarchique basé sur le mutuellisme et le fédéralisme ressemble
étrangement au principe de subsidiarité cher aux libéraux. Ses ennemis :
Platon, Rousseau, Robespierre, Napoléon ou Marx, se confondent avec ceux des
libéraux tandis qu'il cite volontiers Smith, Quesnay, Turgot et J.-B. Say tout
en les critiquant parfois.
Ses théories sur la justice sont probablement les plus audacieuses et les
plus dérangeantes. Il refuse catégoriquement toute justice centralisée rendue
par une institution para-étatique. Pour lui le ministère public est une
aberration liberticide, la justice ne peut être rendue que localement.par débat
et réparation entre le plaignant et l'accusé assistés de témoins.
Nous avons sélectionné quelques passages ou courtes citations qui nous
paraissent bien illustrer la pensée de Proudhon dans ce qu'elle a de libérale.
Il ne faut pas en déduire que Proudhon est un pur libéral, loin de là, mais ses
préoccupations et même le contenu de sa réflexion sont toujours d'actualité
pour bâtir une gauche libérale.
Ces extraits ont notamment le grand mérite de répondre à certains de nos
détracteurs. Car la pensée de Proudhon, composante indéniable de la gauche, est
toujours là pour clouer le bec à tous ceux qui prétendent qu'on ne peut pas
être de gauche quand on défend la liberté, le contrat, la propriété et la
concurrence et que l'on refuse l'État providence et le collectivisme.
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Critique de l'autorité
L'autorité, voilà donc quelle a été la première idée sociale du genre humain.
Et la seconde a été de travailler immédiatement à l'abolition de l'autorité,
chacun la voulant faire servir d'instrument à sa liberté propre contre la
liberté d'autrui: telle est la destinée, telle est l'œuvre des Partis.
Le pouvoir s'il n'est dieu est une brute ou un automate
... il n'y a d'autorité légitime que celle qui est librement subie, comme il
n'y a de communauté utile et juste que celle à laquelle l'individu donne son
consentement.
L'illusion socialiste
Absolutistes doctrinaires, démagogues et socialistes tournèrent incessamment
leurs regards vers l'autorité, comme vers leur pôle unique.
De là cet aphorisme du parti jacobin, que les doctrinaires et les absolutistes
ne désavoueraient assurément pas : La révolution sociale est le but ; la
révolution politique (C'est-à-dire le déplacement de l'autorité) est le
moyen.
Ce qui veut dire: Donnez-nous droit de vie et de mort sur vos personnes et sur
vos biens, et nous vous ferons libres !. .. Il y a plus de six mille ans que
les rois et les prêtres nous répètent cela!
Le socialisme a donné en plein dans l'illusion du jacobinisme; le divin Platon,
il y a plus de deux mille ans, en fut un triste exemple. Saint-Simon, Fourier,
Owen, Cabet, Louis Blanc, tous partisans de l'organisation du travail par
l'État, par le capital, par une autorité quelconque, appellent, comme M. de
Girardin, la révolution par en haut. Au lieu d'apprendre au peuple à
s'organiser lui-même, de faire appel à son expérience et à sa raison, ils lui
demandent le pouvoir ! En quoi diffèrent-ils des despotes ?
Rousseau et le contrat social
Le contrat social doit être librement débattu, individuellement consenti,
signé, manu propria, par tous ceux qui y participent. Si la discussion était
empêchée, tronquée, escamotée; si le consentement était surpris; si la
signature était donnée en blanc, de confiance, sans lecture des articles et
explication préalable; ou si même, comme le serment militaire, elle était
préjugée et forcée : le contrat social ne serait plus alors qu'une conspiration
contre la liberté et le bien-être des individus les plus ignorants, les plus
faibles et les plus nombreux, une spoliation systématique, contre laquelle tout
moyen de résistance et même de représailles pourrait devenir un droit et un
devoir.
De contrat, positif, réel, sur quelque intérêt que ce soit, il n'en est vestige
dans le livre de Rousseau. Pour donner une idée exacte de sa théorie, je ne
saurais mieux la comparer qu'à un traité de commerce, dans lequel auraient été
supprimés les noms des parties, l'objet de la convention, la nature et
l'importance des valeurs, produits et services pour lesquels on devait traiter;
les conditions de qualité, livraison, prix, remboursement, tout ce qui fait, en
un mot, la matière des contrats, et où l'on ne se serait occupé que de
pénalités et juridictions.
C'est Rousseau qui nous apprend que le peuple, être collectif, n'a pas
d'existence unitaire; que c'est une personne abstraite, une individualité
morale, incapable par elle-même de penser, agir, se mouvoir: ce qui veut dire
que la raison générale ne se distingue en rien de la raison individuelle, et
par conséquent que celui-là représente le mieux la première qui a le plus
développé en lui la seconde. Proposition fausse et qui mène droit au
despotisme.
C'est Rousseau qui, faisant ensuite la déduction de cette première erreur, nous
enseigne par aphorismes toute cette théorie liberticide:
Que le gouvernement populaire ou direct résulte essentiellement de l'aliénation
que chacun doit faire de la liberté au profit de tous;
Que la séparation des pouvoirs est la première condition d'un gouvernement
libre;
Que dans une République bien constituée, aucune association ou réunion
particulière de citoyens ne peut être soufferte, parce que ce serait un État
dans l'État, un gouvernement dans le gouvernement;
C'est depuis Rousseau, à son exemple, que s'est fondée parmi nous l'école, je
veux dire l'industrie philanthropique et sentimentale, qui, en cultivant le
plus parfait égoïsme, sait recueillir les honneurs de la charité et du
dévouement. Méfiez-vous de cette philosophie, de cette politique, de ce
socialisme à la Rousseau.
La mystification démocratique
Dans le système de l'autorité, quelle que soit d'ailleurs son origine,
monarchique ou démocratique, le pouvoir est l'organe noble de la société; c'est
par lui qu'elle vit et se meut; toute initiative en émane, tout ordre, toute
perfection sont son ouvrage. D'après les définitions de la science économique,
au contraire, définitions conformes à la réalité des choses, le pouvoir est la
série des improductifs que l'organisation sociale doit tendre indéfiniment à
réduire. Comment donc, avec le principe d'autorité si cher aux démocrates, le
vœu de l'économie politique, vœu qui est aussi celui du peuple, pourrait-il se
réaliser ? Comment le gouvernement, qui dans cette hypothèse est tout,
deviendra-t-il un serviteur obéissant, un organe subalterne? Comment le prince
n'aurait-il reçu le pouvoir qu'afin de l'affaiblir, et travaillerait-il, en vue
de l'ordre, à sa propre élimination? Comment ne s'occupera t-il pas plutôt de
se fortifier, d'augmenter son personnel, d'obtenir sans cesse de nouveaux
subsides, et finalement de s'affranchir de la dépendance du peuple, terme fatal
de tout pouvoir sorti du peuple ?
On dit que le peuple, nommant ses législateurs, et par eux notifiant sa
volonté au pouvoir, sera toujours à même d' arrêter ses envahissements ;
qu'ainsi le peuple remplira tout à la fois le rôle de prince et celui de
souverain. Voilà en deux mots l'utopie des démocrates, l'éternelle
mystification dont ils abusent le prolétariat.
Sur les fonctionnaires
Le fonctionnarisme ou la fonctionnomanie, fléau de l'ancienne Grèce et de la
Rome impériale, détruit à la fois l'esprit d'entreprise et l'esprit de liberté
; il pousse au communisme de l'État, à l'absorption de toute vie individuelle
dans le machinisme administratif, à la destruction de toute pensée libérale.
Tout le monde demande à s'abriter sous l'aile du Pouvoir, à vivre sur le
commun.
Sur l'État héritier et entrepreneur
L'État est inhabile à posséder, dans le sens du moins que nous l'entendons
de l'individu ; inhabile à faire valoir, inhabile par conséquent à hériter.
L'État n'est ni agriculteur, ni éleveur, ni vigneron, ni maraîcher, ni
industriel, ni armateur, ni commerçant : il n'exerce aucune des fonctions que
nous avons reconnues comme étant l'apanage propre des citoyens. L'État a ses
fonctions de police, d'administration générale, de juridiction, qui lui
interdisent toute immixtion dans les fonctions, professions et propriétés
dévolues aux particuliers. Là surtout est le caractère du droit moderne, en
vertu duquel a surgi, en face de l'antique État absolutiste, une puissance
nouvelle, la Liberté.
Pas de services publics d'État
Ainsi, enfin, l'association ouvrière restera une utopie tant que le
gouvernement n'aura pas compris que les services publics ne doivent être ni
exécutés par lui-même, ni convertis en entreprises privées et anonymes, mais
confiés à forfait et par baux à terme à des compagnies d'ouvriers solidaires et
responsables. Plus d'immixtion du Pouvoir dans le travail et les affaires, plus
d'encouragements au commerce et à l'industne, plus de subventions, plus
de concessions, plus de prêts ni d'emprunts, plus de pots-de-vin, plus
d'actions de jouissance ou industrielles, plus d'agiotage.
Monnaies privées ?
C'est l'État qui fixe les poids et mesures, qui donne le module, la valeur
et les divisions des monnaies. Les types fournis, la première émission
terminée, la fabrication des pièces d'or, d'argent et de cuivre cesse d'être
une fonction publique, un emploi de l'État, une attribution ministérielle;
c'est une industrie laissée aux villes, et que rien au besoin n'empêcherait, de
même que la fabrication des balances, bascules, tonneaux et bouteilles, d'être
tout à fait libre. Le meilleur marché est ici la seule loi. Qu'exige-t-on, en
France, pour que la monnaie d'or et d' argent soit réputée d'aloi? Un dixième
d'alliage et neuf dixièmes de fin. Qu'il y ait un inspecteur pour suivre et
surveiller la fabrication, je le veux : le rôle de l'État ne va pas
au-delà.
L'État endetté et voleur (déjà)
Nous repoussons le crédit de l'État, parce que l'État, endetté de huit
milliards, ne possède pas un centime dont il puisse donner crédit; parce que sa
commandite ne repose que sur un papier à cours forcé ; parce que le cours forcé
entraîne fatalement la dépréciation, et que la dépréciation atteint toujours le
travailleur de préférence au propriétaire.
Les nations les plus libres
Les faits viennent ici confirmer la théorie. Les nations les plus libres
sont celles où le pouvoir a le moins d'initiative, où son rôle est le plus
restreint: citons seulement les États-Unis d'Amérique, la Suisse, l'Angleterre,
la Hollande. Au contraire, les nations les plus asservies sont celles où le
pouvoir est le mieux organisé et le plus fort, témoin nous. Et cependant nous
nous plaignons sans cesse de n'être pas gouvernés ; nous demandons un pouvoir
fort, toujours plus fort!
L'Église disait jadis, parlant comme une mère tendre :
Tout pour le peuple, mais tout par les prêtres.
La monarchie est venue après l'Église : Tout pour le peuple, mais tout par le
prince.
Les doctrinaires: Tout pour le peuple, mais tout par la bourgeoisie.
Les Jacobins n'ont pas changé le principe pour avoir changé la formule : Tout
pour le peuple, mais tout par l'État.
C'est toujours le même gouvernementalisme, le même communisme.
Qui donc osera dire enfin : Tout pour le peuple, et tout par le peuple, même le
gouvernement ?
Pour le travail le dimanche
Tout le monde a entendu parler de l'association pour la célébration du
dimanche, dont les membres s'engagent non seulement à ne point travailler, ou
faire travailler, .acheter ou vendre, les jours défendus, mais encore à
n'employer que des gens observant à leur exemple le repos sacré, et à refuser
leurs ordres et commandes aux infracteurs. C'est l'excommunication appliquée au
commerce et à l'industrie, et transformée en instrument de monopole. Quelle
sanction éclatante donnée au gouvernement de la Providence ! Jamais, il est
juste de le dire, le gouvernement n'avait songé à intervenir avec ce génie
intolérant, vexatoire, dans les choses de l'industrie et du commerce, pas plus
que dans celles de la conscience. Mais ce que n'ose le pouvoir, l'Église, plus
puissante que le pouvoir, ne craint pas de l'entreprendre. D'abord, il ne
s'agit que d'une association particulière entièrement libre, et pour un objet
spécial, l'accomplissement d'un devoir de religion. Puis, quand l'association
sera devenue nombreuse, quand elle aura employé un certain nombre de villes et
de départements, pétition sera adressée à l'empereur qui faisant droit à la
piété et aux réclamations unanimes de son peuple convertira en loi de l'État la
défense de travailler le dimanche. Suspension de la liberté du travail:
suspension de la morale.
Le bistrot facteur d'émancipation
Depuis la Révolution, le café et le cabaret sont entrés de plus en plus dans
les mœurs du paysan. Tout le monde n'est pas en mesure d'avoir son vin ou sa
bière dans sa cave: l'établissement public est de nécessité domestique. Qu'on
apprenne au père de famille à ne pas s'y enivrer, a ne pas y dévorer la
subsistance de sa femme et de ses enfants, s'il se peut même à n'y pas médire
de l'Église et du gouvernement : à la bonne heure. Mais je soutiens que ces
lieux de réunion servent plus au progrès de la civilisation que la maison de
prière, et qu'au lieu de les détruire une police intelligente tendrait à en
perfectionner l'usage. Il est vrai qu'on y apprend moins l'adoration que la
liberté: c'est pour cela que l'Église, l'aristocratie, le pouvoir, les
haïssent. Leur sécurité exige que les citoyens vivent isolés dans leurs
demeures, tenus au régime cellulaire. Interdiction des réunions libres, entrave
à la morale.
Critique de la démocratie représentative
Dans la théorie des démocrates le problème du gouvernement consiste à
éliminer, par le mécanisme du suffrage prétendu universel , toutes les idées
moins une, qui remuent l'opinion, et à déclarer souveraine celle qui a la
majorité.
La démocratie affirmant la souveraineté du Peuple est comme la théologie à
genoux devant le saint ciboire : ni l'une ni l'autre ne peut prouver le Christ
qu'elle adore, encore moins se le manifester.
Et quand on demande à la démocratie, impuissante à établir la légitimité et
l'authenticité de son principe; à quoi elle peut être utile pour le bonheur de
la société, la démocratie répond en accusant la monarchie, l'arbitraire, de son
gouvernement, ses privilèges, corruptions et. dilapidations; ses dédains pour
la classe travailleuse, ses préférences pour la classe bourgeoise: promettant,
quant à elle, d'agir autrement, et de faire .toutI'opposé de la: monarchie.
C'est encore ainsi que la théologie, lorsqu'on. l'interroge sur son utilité
positive, remonte au péché du premier homme, s'en prend à l'idolâtrie et au
diable, accuse le désordre des passions, l'incertitude de la raison, la vanité
des choses de ce monde, offrant de nous conduire à la vie éternelle par les
sacrements et les indulgences.
Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu'on appelle une Assemblée nationale
pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l'état d'un
pays sont presque toujours ceux qui le représentent.
Comprendrons-nous, enfin, que la république ne peut avoir le même principe que
la royauté, et que prendre le suffrage universel pour base du droit public,
c'est affirmer implicitement la perpétuité de la monarchie ? Nous sommes
réfutés par notre propre principe; nous avons été vaincus, parce que, à la
suite de Rousseau et des plus détestables rhéteurs de 93, nous n'avons pas
voulu reconnaître que la monarchie était le produit, direct et presque
infaillible, de la spontanéité populaire ; parce que, après avoir aboli le
gouvernement par la grâce de Dieu, nous avons prétendu, à l'aide d'une autre
fiction, constituer le gouvernement par la grâce du Peuple.
Le peuple n'a pas plus voix consultative dans l'État que dans l'Église : son
rôle est d'obéir et de croire.
Les faux révolutionnaires
... il est temps que disparaisse cette école de faux révolutionnaires, qui,
spéculant sur l'agitation plus que sur l'intelligence, sur les coups de main
plus que sur les idées, se croient d'autant plus vigoureux et logiques qu'ils
se flattent de mieux représenter les dernières couches de la plèbe.
Anticollectiviste
c'est cette notion de l'être humain collectif que nous nions aujourd'hui; et
c'est pour cela que nous nions aussi l'État, que nous nions le gouvernement,
que nous repoussons de la société économiquement révolutionnée toute
constitution de la puissance populaire, en dehors et au-dessus de la masse, par
royauté héréditaire, institution féodale ou délégation démocratique.
Le commerce et l'industrie sources de droit, de sécurité et
d'égalité
Ce qui adoucit les mœurs, et qui fait peu à peu régner le droit à la place
de la force, ce qui fonde la sécurité, qui crée progressivement la liberté et
l'égalité, c'est, bien plus que la religion et l'État, le travail; c'est, en
premier lieu, le commerce et l'industrie; c'est ensuite la science, qui le
spiritualise ; c'est, en dernière analyse, l'art, sa fleur immortelle.
Contre le protectionnisme
chaque membre de la société a le droit illimité de se pourvoir, comme il l'
entend, des objets nécessaires à sa consommation, et de vendre ses produits à
tel acheteur et pour tel prix qu' il trouve. Tout citoyen est donc fondé à dire
à son gouvernement : ou livrez-moi le sel, le fer, le tabac, la viande, le
sucre, au prix que je vous offre, ou laissez-moi ailleurs faire ma provision.
Pourquoi serais-je contraint de soutenir, par la prime que vous me forcez de
leur payer, des industries qui me ruinent, des exploiteurs qui me volent ?
Chacun dans son monopole, chacun pour son monopole ; et la liberté du commerce
pour tout le monde ! Dans un système démocratique, la douane, institution
d'origine seigneuriale et régalienne, est donc chose odieuse et
contradictoire.
Ironique sur le bilan historique de l'État
Vous prétendez et affirmez que l'État, que le gouvernement peut et doit être
intégralement transformé dans son principe, dans son.essence, dans son action,
dans ses rapports avec les citoyens, comme dans ses résultats ; qu'ainsi
l'État, banqueroutier et faux-monnayeur, doit être la source de tout crédit;
qu'ennemi des lumières pendant tant de siècles, et en ce moment encore hostile
à l'enseignement primaire et à la. liberté de la presse, c'est à lui de
pourvoir, d'office, à l'instruction des citoyens ; qu'après avoir laissé se
développer, sans son secours, souvent même malgré sa résistance, le commerce,
l'industrie, l'agriculture et tous les instruments de la richesse, il lui
appartient de prendre l'initiative de tout travail comme de toute idée;
qu'enfin, adversaire éternel de la liberté, il doit encore, non pas laisser la
liberté à elle-même, mais créer, mais diriger la liberté.
Le communisme
Les uns, considérant que l'homme n'a de valeur que par la société, que hors
de la société il retombe à l'état de brute, tendent de toutes leurs forces, au
nom de tous les intérêts particuliers et sociaux, à absorber l'individu dans la
collectivité. C'est-à-dire qu'ils ne reconnaissent d'intérêts légitimes que
ceux du groupe social, de dignité, d'inviolabilité par conséquent que dans le
groupe, de qui les individus tirent ensuite ce qu'on appelle, mais, fort
improprement, leurs droits. Dans ce système, l'individu n'a pas d'existence
juridique ; il n'est rien par lui-même ; il ne peut invoquer de droits, il n'a
que des devoirs. La société le produit comme son expression, lui confère une
spécialité, lui assigne une fonction, lui accorde sa part.de félicité et de
gloire: il lui doit tout, elle ne lui doit rien.
Tel est, en peu de mots, le système communiste, préconisé par Lycurgue, Platon,
les fondateurs d'ordres religieux, et la plupart des socialistes contemporains.
Ce système, qu'on pourrait définir la DÉCHÉANCE DE 'LA PERSONNALITÉ AU NOM DE
LA SOCIÉTÉ, se retrouve, légèrement modifié, dans le despotisme oriental,
l'autocratie des Césars et l'absolutisme de droit divin. C'est le fond de
toutes les religions. Sa théorie se réduit à cette proposition contradictoire:
Asservir l'individu, afin de rendre la masse libre.
En philosophie, le communisme ne pense ni ne raisonne; il a horreur de la
logique, de la dialectique et de la métaphysique; il n'apprend pas, il CROIT.
En économie sociale, le communisme ne compte ni ne calcule; il ne sait ni
organiser, ni produire, ni répartir; le travail lui est suspect, la justice lui
fait peur. Indigent par lui-même, incompatible avec toute spécification, toute
réalisation, toute loi ; empruntant ses idées aux plus vieilles traditions,
vague, mystique, indéfinissable; prêchant l'abstinence en haine du luxe,
l'obéissance en crainte de la liberté, le quiétisme en horreur de la
prévoyance: c'est la privation partout, la privation toujours. La communauté,
lâche et énervante, pauvre d'invention, pauvre d'exécution, pauvre de style, la
communauté est la religion de la misère.
Le socialisme communauté du mal,
l'argent, instrument du bien public et de la modestie des mœurs !
Le socialisme, à le bien prendre, est la communauté du mal, l'imputation
faite à la société des fautes individuelles, la solidarité entre tous les
délits de chacun. La propriété, au contraire, par sa tendance, est la
distribution commutative du bien et l'insolidarité du mal, en tant que le mal
provient de l'individu. À ce point de vue, la propriété se distingue par une
tendance à la justice, qu'on est loin de rencontrer dans la communauté. Pour
rendre insolidaires l'activité et l'inertie, créer la responsabilité
individuelle, sanction suprême de la loi sociale, fonder la modestie des mœurs,
le zèle du bien public, la soumission au devoir, l'estime et la confiance
réciproques, l'amour désintéressé du prochain, pour assurer toutes ces choses,
le dirais-je ? 1'argent, cet infâme argent, symbole de l'inégalité et de la
conquête, est un instrument cent fois plus efficace, plus incorruptible et plus
sûr que toutes les préparations et les drogues communistes.
Non à la charité légale
Voilà pourquoi la charité, première vertu du chrétien, légitime espoir du socialiste, but de tous les efforts de l'économiste, est un vice social dès qu'on en fait un principe de constitution et une loi ; voilà pourquoi certains économistes ont pu dire que la charité légale avait causé plus de mal à la société que l'usurpation propriétaire.
Programme révolutionnaire aux électeurs de la Seine du 30 mai
1848
[...]
Lorsque je dis : la propriété c'est le vol, je ne pose pas un principe, je ne
fais qu'exprimer une conclusion.
[...]
Je n'ai pas d'autre symbole, pas d'autre principe que ceux de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen : la liberté, l'égalité, la sûreté, la
propriété.
[...]
Voilà tout mon système : liberté de conscience, liberté de la presse, liberté
du travail, liberté du commerce, liberté de l'enseignement, libre concurrence,
libre disposition des fruits de son travail et de son industrie, liberté à
l'infini, liberté absolue, la liberté partout et toujours!
C'est le système de 89 et 93 ; le système de Quesnay, de Turgot, de J.-B. Say;
[...]
[...]
La liberté donc, rien de plus, rien de moins. Le laissez faire, laissez passer,
dans l'acception la plus littérale et la plus large; conséquemment la
propriété, en tant qu'elle découle légitimement de cette liberté, voilà mon
principe. Pas d'autre solidarité entre les citoyens que celle des accidents
résultant de force majeure: pour tout ce qui regarde les actes libres,
les manifestations de la pensée réfléchie, insolidarité complète,
absolue.
Le contrat
Pour que je reste libre, que je ne subisse d'autre loi que la mienne, et que
je me gouverne moi-même, il faut renoncer à l'autorité du suffrage, dire adieu
au vote comme à la représentation et à la monarchie. Il faut supprimer, en un
mot, tout ce qui reste de divin dans le gouvernement de la société et rebâtir
l'édifice sur l'idée humaine du CONTRAT.
Anticlérical mais pas antireligieux
... quiconque me parle de Dieu en veut à ma liberté ou à ma bourse.
Si le culte a véritablement une valeur économique ou morale, si c'est un
service que le besoin de la population réclame, je n'y fais nulle opposition.
Laissez faire, laissez passer. Que le culte, encore une fois, comme
l'industrie, soit libre. J'observe seulement que le commerce des choses saintes
doit être, comme tout autre, soumis à l'offre et à la demande non patronné ni
subventionné par l'État ; que c'est matière à échange, non à gouvernement. Ici,
comme partout, le libre contrat doit être la loi suprême. Que chacun paye son
baptême, son mariage, son enterrement : à la bonne heure. Que ceux qui adorent
se cotisent pour les frais de leurs adorations : rien de plus juste. Le droit
de se réunir pour prier est égal au droit de se réunir pour parler de politique
et d'intérêt : l'oratoire comme le club est inviolable.
Mais qu'on ne nous parle plus ni de Religion de l'État, ni de Religion de la
majorité, ni du Culte salarié, ni d'Église gallicane, ni de République
néochrétienne. Ce sont autant d'apostasies à la raison et au droit, la
Révolution ne pactise point avec la Divinité.
Les jacobins et Napoléon
Je l'ai dit, et je ne puis trop le redire, le système de la centralisation,
qui a prévalu en 93, grâce à Robespierre et aux Jacobins, n'est autre chose que
celui de la féodalité transformée; c'est l'application de l'algèbre à la
tyrannie. Napoléon, qui y mit la dernière main, en a rendu
témoignage.
Enseignement libre et indépendant de l'État
Une commune a besoin d'un instituteur. Elle le choisit à sa guise, jeune ou
vieux, célibataire ou marié, élève de l'école normale ou de lui-même, avec ou
sans diplôme. La seule chose essentielle, c'est que ledit instituteur
convienne aux pères de famille, et qu'ils soient maîtres de lui confier
ou non leurs enfants. Ici, comme ailleurs, il faut que la fonction procède du
libre contrat et soit soumise a la concurrence: chose impossible sous un régime
d'inégahté, de favoritisme, de monopole universitaire ou de coalition entre
l'Église et l'État.
La centralisation gouvernementale, en matière d'instruction publique, est
impossible dans le régime industriel, par la raison décisive que l' instruction
est inséparable de l'apprentissage, 1'éducation scientifique de 1'éducation
professionnelle. En sorte que l'instituteur, le professeur, quand il n'est pas
lui-même contremaître, est avant tout l'homme de la corporation, du groupe
industriel ou agricole qui l'utilise. Comme l'enfant est le lien, pignus, entre
les parents, l'école devient le lien entre les corporations industrielles et
les familles : il répugne qu'elle soit séparée de l'atelier et, sous pretexte
de perfectionnement, qu'elle tombe sous une puissance extérieure.
Séparer comme on le fait aujourd'hui, l'enseignement de l'apprentissage et, ce
qui est plus détestable encore, distinguer l'éducation professionnelle de
l'exercice réel utile, sérieux, quotidien, de la profession, c'est reproduire,
sous une autre forme, la séparation des pouvoirs et la distinction des classes,
les deux instruments les plus énergiques de la tyrannie gouvernementale et de
la subalternisation des travailleurs.
Que les prolétaires y songent!
Si l'école des mines est autre chose que le travail des mines accompagné des
études propres à l'industrie minérale, l'école n'aura pas pour objet de faire
des mineurs, mais des chefs de mineurs, des aristocrates.
Si l'école des arts et métiers est autre chose que l'art et le métier, elle
n'aura bientôt plus pour objet de faire des artisans mais des directeurs
d'artisans, des aristocrates.
Si l'école du commerce est autre chose que le magasin, le bureau, le comptoir,
elle ne servira pas à faire des commerçants, mais des barons du commerce, des
aristocrates.
Si l'école de marine est autre chose que le service effectif à bord, en
comprenant dans ce service celui même de mousse, l'école de marine ne sera
qu'un moyen de distinguer deux classes dans la marine : la classe des matelots
et la classe des officiers.
C'est ainsi que nous voyons les choses se passer dans notre régime d'oppression
politique et d'anarchie industrielle. Nos écoles, quand elles ne sont pas des
établissements de luxe ou des prétextes à sinécures, sont les séminaires de
l'aristocratie. Ce n'est pas pour le peuple qu'ont été fondées les écoles
polytechnique, normale, de Saint-Cyr, de droit, etc. ; c'est pour entretenir,
fortifier, augmenter la distinction des classes pour consommer et rendre
irrévocable la scission entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Certes, je ne crois pas à la possibilité d'organiser l'instruction du peuple
sans un grand effort de l'autorité centrale, .mais je n'en reste pas moins
partisan de la liberté de l'enseignement, comme de toutes les libertés. Je veux
que l'école soit aussi radicalement séparée de l'État que l'église
elle-même.
Les gouvernements responsables des guerres
Ce sont les gouvernements qui, après avoir eu la prétention d'établir l'ordre dans l'humanité, ont ensuite classé les peuples en corps hostiles : comme leur unique occupation était de produire au-dedans la servitude, leur habileté consistait à entretenir au dehors, en fait ou en perspective, la guerre.
L'oppression des peuples et leur haine mutuelle sont deux faits corrélatifs,
solidaires, qui se reproduisent l'un l'autre, et qui ne peuvent disparaître
qu'ensemble, par la destruction de leur cause commune, le gouvernement.
Unité des règles économiques
Il en est, en effet, de l'économie politique comme des autres sciences :
elle est fatalement la même par toute la terre; elle ne dépend pas des
convenances des hommes et des nations, elle ne se soumet au caprice de
personne. Il n'y a pas une économie politique russe, anglaise, autrichienne,
tartare ou hindoue, pas plus qu'une physique, une géométrie hongroise,
allemande ou américaine. La Vérité est égale partout à elle-même; la science
est l'unité du genre humain.
Au delà de son rôle de police le bilan de l'État est
négatif
En toute autre chose que la police, les règlements de l'État sont des
entraves ; son travail est concussion ; ses encouragements, privilèges ; son
influence, corruption. Cette thèse exigerait des volumes : l'histoire des
malversations des gouvernements en politique, religion, industrie, travaux
publics, finances, impôts, etc., serait en ce moment l'ouvrage le plus utile à
la démocratie.
Anarchie
La liberté est anarchie parce qu'elle n'admet pas le gouvernement de la
volonté, mais seulement l'autorité de la loi, c'est à dire de la
nécessité.
L'anarchie est la condition d'existence des sociétés adultes, comme la
hiérachie est la condition des sociétés primitives : il y a progrès incessant
dans les sociétés humaines, de la hiérarchie à l'anarchie.
La propriété
J'ai exposé les sentiments qui ont dicté ma conduite depuis vingt-cinq ans.
Je n'ai pas été animé, quoi qu'on.ait dit, d'une pensée foncièrement
hostile ni pour l'institution de propriété, dont je cherchais la clef, ni pour
la classe des bénéficiaires. J'ai demandé une justification meilleure du
droit établi, et cela dans un but de consolidation, - comme aussi, bien
entendu, s'il y avait lieu - de réforme.
La propriété est la plus grande force révolutionnaire qui existe et qui se
puisse opposer au pouvoir. Or, la force par elle-même ne peut être dite
bienfaisante ou malfaisante, abusive ou non abusive : elle est indifférente à
l'usage auquel on l'emploie; autant elle se montre destructive, autant elle
peut devenir conservatrice; si parfois elle éclate en effets subversifs au lieu
de se répandre en résultats utiles, la faute en est à ceux qui la dirigent et
qui sont aussi aveugles qu'elle.
Servir de contrepoids à la puissance publique, balancer l'État, par ce moyen
assurer la liberté individuelle : telle sera donc, dans le système politique,
la fonction principale de la propriété.
C'est ainsi que la propriété, fondée sur l'égoïsme, est la flamme à laquelle
s'épure l'égoïsme. C'est par la propriété que le moi individuel, insocial;
avare, envieux, jaloux, plein d'orgueil et de mauvaise foi, se transfigure, et
se fait semblable au moi collectif, son maître et son modèle. L'institution qui
semblait faite pour diviniser la concupiscence, comme le lui a tant reproché le
christianisme, est justement celle qui ramène la concupiscence à. la
conscience. Si jamais l'égoïsme devient identique et adéquat en nous à la
Justice; si la loi morale est recherchée avec le même zèle que le profit et la
richesse; si, comme le prétendait Hobbes, la règle de l'utile peut servir un
jour de règle de droit; et l'on ne peut douter que tel ne soit, en effet, le
but de la civilisation ; c'est à la propriété que le monde devra ce
miracle.
Et le doute ...
Quand je vois toutes ces clôtures, aux environs de Paris, qui enlèvent la vue de la campagne et la jouissance du sol au pauvre piéton, je sens une irritation violente. Je me demande si la propriété qui parque ainsi chacun chez soi n'est pas plutôt l'expropriation, l'expulsion de la terre. Propriété particulière ! Je rencontre parfois ce mot écrit en gros caractères à l'entrée d'un passage ouvert, et qui semble une sentinelle vous défendant de passer. J'avoue que ma dignité d'homme se hérisse de dégoût. Oh! Je suis resté en cela de la religion du Christ, qui recommande le détachement, prêche la modestie, la simplicité d'âme et la pauvreté du cœur. Arrière le vieux patricien, impitoyable et avare; arrière le baron insolent, le bourgeois cupide et le dur paysan, durus arator. Ce monde m'est odieux; je ne puis l'aimer ni le voir. Si jamais je me trouve propriétaire, je ferai en sorte que Dieu et les hommes, les pauvres surtout, me le pardonnent!
1 De Bob Shar -
Merci pour cette redécouverte d'un penseur mal connu. Lequel de ses ouvrages conseilles-tu ?
2 De alcodu -
Franchement ? aucun, c'est souvent difficile à lire (style ampoulé) et très daté.
Tu peux essayer de lire des passages sur Internet. Il y a pas mal d'ouvrages numérisés. Je me suis un peu pris la tête en les parcourant.
Par contre tu peux lire l'excellent "liberté partout et toujours" qui est un recueil de textes choisis par Vincent Valentin, et publié aux Belles Lettres (comme d'hab).
3 De Nestor -
Outre les textes choisis par Vincent Valentin, je conseillerai notamment la "Théorie de la propriété" posthume, la "Théorie de l'Impôt", "La guerre et la paix" et "L'idée générale de la Révolution au XIXe siècle". Je déconseille fortement la lecture de "La pornocratie", texte misogyne s'il en est.
4 De alcodu -
Merci Nestor pour ces conseils.
Je n'ai volontairement pas abordé le côté psycho rigide de Proudhon. Ses opinions complètement ringardes sur les femmes et sur la famille ne présentent, en effet, aucun intérêt.
5 De tetatutelle -
Et bien dis donc toi, quand tu te mets à être "long" dans tes écritures !...........
Et bien après lecture de ce texte moi je dirais que Proudhon est libéral à.......80 % environ ! Les deux seuls principes qu'il refuse du libéralisme sont : "la séparation des pouvoirs" et "la division des classes sociales". Ceci "totalement à l'instar des anarchistes anticapitalistes" qui plaident effectivement en faveur de "l'indivisibilité intellectuelle /manuelle" ainsi que d'une éducation "polytechnique" enseignant aux enfants dès leur plus jeune âge la pratique industrielle. Mais pour le reste, force est de constater que les anars anticapitalistes ont "perverti la pensée de Proudhon" : quand par ex ils réclament une société "sans monnaie" au nom de Proudhon (bien sûr "pas seulement de lui" mais aussi d'autres penseurs"), ce texte apporte la preuve qu'ils ont tout faux !
Par contre sur la question de la propriété, je trouve tout simplement que la pensée de Proudhon n'est "pas tranchée" et qu'elle "se contredit".........En effet, sitôt après en avoir fait l'éloge il la prend en grippe sous son aspect absolu et casanier (les clôtures qui parquent chacun chez soi). Or un propriétaire ne peut être "contraint d'ouvrir sa maison" !
Et bien personnellement, comme "ni l'inséparation des pouvoirs, ni l'indivision des classes sociales" (imposée bien sûr !) ni "l'exigence d'ouvrir sa porte à autrui" ne me conviennent, je ne suis pas d'accord de prendre Proudhon comme "premier référent historique pour un libéralisme de gauche" ! Qu'on lui laisse "occuper une place" (parmi d'autres) dans notre doctrine d'accord, mais comme principal référent, non. Et ça s'impose d'autant moins que des référents "proprement libéraux de gauche" dans l'Histoire, "il y en a", peu soit et pas toujours français, mais ils ne sont pas inexistants pour autant ! Ainsi Thomas Paine est répertorié dans les encyclopédies comme étant un libéral de gauche (d'origine américaine soit, mais il a occupé pendant un temps une fonction politique nationale en France). Et aussi l'économiste Léon Walras. Voltaire et Victor Hugot, quant à eux, comptent parmi les précurseurs de l'idée d'Allocation Universelle (eh oui, qui est au courant ? C'est pourtant la vérité !)
6 De cording -
Le libéralisme est une pensée trop complexe pour être laissée à ceux qui s'en revendiquent.
Depuis 30 ans un nom de cette pensée tous les dirigeants ont mené une politique de privatisation et déréglementation systématique et de baisse des impôts pour les personnes les plus aisées ce qui engendre régulièrement des bulles spéculatives et la confiscation des gains de productivité du monde du travail par le capital financier dérégulé, donc la déflation salariale compensée par un système de crédits hypothécaires dont on voit maintenant le caractère malfaisant aux US et aux pays qui ont appliqué ce système.
En outre l'UE sous l'influence anglaise et allemande s'est transformée en une vaste zone de libre échange intégral dans laquelle nous sommes toujours perdants parce que la concurrence (cet autre nom de la guerre économique) nous est toujours défavorable, un exemple entre bien d'autre c'est la Chine qui dans un scénario classique de développement accéléré aurait vu sa monnaie se réévaluer fortement, le hic c'est que les dirigeants chinois savent très bien au contraire des stupides dirigeants européens que la monnaie est une arme d'ajustement économique dans la guerre commerciale qu'elle livre au reste du monde pour devenir la première puissance mondiale.
7 De tetatutelle -
Cording je crois que vous faites l'erreur classique de ceux qui méconnaissent le "vrai libéralisme" : prendre "notre système actuel" pour un système libéral alors qu'il en est précisément "l'un de ses contraires" : le "capitalisme de connivence" ! "Aucune des situations que vous décrivez ne pourrait se produire sans l'aide de l'Etat" ! (Par "aide de l'Etat" il faut comprendre "l'intégralité de ses interventions", dont les innombrables "régulations", pas seulement les "subventions" accordées aux entreprises). Nous ne souffrons justement pas d'un "manque de concurrence" mais d'un "pas assez" ! Car d'innombrables "barrières" sont mises par l'Etat en travers de la concurrence. C'est en empêchant ainsi des "petits" d'émerger (parce que soit disant "pas assez connus" pour avoir suffisamment de clients pour s'en sortir, marché soit-disant saturé d'entreprises proposant le même produit........l'Etat a mille arguments dans sa poche pour justifier les limites qu'il place aux initiatives citoyennes, marchandes comme non-marchandes d'ailleurs !........) qu'on "fait grossir" tout naturellement les "premiers arrivés" sur le marché !
Contrairement à ce que vous affirmez la crise américiane des subprimes est du précisément à un excès d'intervention de l'Etat qui a forcé les banques à prêter de l'argent à des gens non solvables. (Il n'est pas possible d'avoir "bon coeur" en "prêtant" de l'argent, le bon coeur ne peut consister qu'à le "donner". Donc une banque ne peut fonctionner au bon coeur !).
D'ailleurs vous vous contredisez vous-même par votre "aveu" final avec la Chine : si l'Etat laissait cette "monnaie" entre les mains des entreprises privées plutôt que de l'utiliser comme arme d'ajustement économique, ce pays serait un peu plus humain que la triste réalité actuelle !