Le pape et la scientologie

L'Église de scientologie a été renvoyée lundi 8 septembre par un juge parisien devant le tribunal correctionnel de Paris pour "escroquerie en bande organisée, extorsion, et exercice illégal de la médecine". 

Peu de temps après, la visite de Benoît XVI à Paris puis à Lourdes a provoqué les traditionnels désordres que les pouvoirs publics et la chrétienté réunis ont décidés de ne pas qualifier de "troubles à l'ordre public" : gigantesques embouteillages, transports en commun saturés, paralysie partielle de la capitale,  frénésie des fidèles, mouvements de foule, État et collectivités locales mobilisés, argent public englouti.

Ces deux évènements mettent en relief la différence de traitement que notre pays a décidé d'appliquer entre les religions officielles et les religions minoritaires opportunément qualifiées de "sectes".

A Lourdes comme chacun sait, se produisent des guérisons miraculeuses. Cette cité accueille donc en moyenne cinq millions de visiteurs par an dont soixante mille malades et grabataires. Le seul "domaine de la grotte" (où ont lieu les guérisons) a un budget de dix huit millions d'euros et  emploie près de trois cents permanents et deux cents saisonniers.
Cette vaste entreprise catholique n'est accusée ni "d'exercice illégal de la médecine", ni "d'abus de faiblesse" et pas plus "d'escroquerie en bande organisée".
Dans le même temps, la scientologie est attaquée en justice parce qu'elle propose son "électromètre" que le juge  Jean-Christophe Hullin lui reproche de vendre avec, je cite : "des marges bénéficiaires nettes de l’ordre de 75%".

Dans le cas de la propagation du virus du SIDA en Afrique, le silence du Vatican sur les moyens de s'en protéger fait dire à certains que l'Église est coupable de "non assistance à personne en danger" à une échelle planétaire, voire de "mise en danger d'autrui" puisque, non contents du simple silence, certains évêques facétieux ont organisé des autodafés de préservatifs.
L'Église n'a pas été inquiétée pour ces terribles accusations.

Le Coran, qui se présente comme une loi immuable et supérieure, à laquelle tout musulman doit obéir, contient des affirmations et des injonctions sur les femmes, les juifs, les apostats ou les athées, qui vont à l'encontre de tellement d'articles du code pénal qu'il serait fastidieux des les citer.
Une jeune religion qui publierait un texte sur les mêmes thèmes serait tout simplement dissoute et ses dirigeants condamnés à de lourdes peines.
 
On le voit bien,  la distinction entre sectes et religions a une fonction juridique très précise dans notre pays. Elle permet au législateur d'exercer toutes les rigueurs de la loi à l'encontre des religions classées en "sectes" tout en évitant de poursuivre les grandes religions pour des faits semblables.

Les religions n'échappent en effet pas au régime de non-droit et de privilèges qui est le fondement de l'ordre socialo-gaulliste depuis cinquante ans. Dans les domaines, sociaux, économiques, culturels ou religieux, l'établissement de passe-droits, d'exceptions et de "catégories" sert de méthode quasi  systématique à l'élaboration du droit positif : opposition entre public et privé, entre sectes et religions, entre culture et commerce, interdictions et autorisations, taxes et subventions.

Jean Michel Roulet président de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a beau s'exclamer "La France est un État de droit qui dispose d’outils juridiques, qu’elle entend mettre en œuvre pour lutter contre les sectes", la vérité est exactement  contraire  : la France est un État de passe-droits qui permet aux religions traditionnelles de s'affranchir du droit pénal qui est appliqué aux religions minoritaires.

Bien entendu, la raison invoquée officiellement pour discriminer les religions est toute autre. Selon les pouvoirs publics  il s'agirait de protéger le public. Ce prétexte permet à plusieurs associations grassement subventionnées de s'adonner aux joies du flicage et de la délation religieuse exclusivement concentrés sur les cultes minoritaires.
Les fameux “dix dangers pour l’individu et la collectivité qui doivent permettre d’identifier une secte” peuvent s'appliquer à de multiples activités sans rapport avec les religions, comme les clubs de supporters de foot ou les vendeurs de cuisines. Le rapport parlementaire qui les présente est d'ailleurs un monument de bêtise et d'inculture.
A noter que les Talibans ne sont pas considérés comme une secte par cette nouvelle inquisition pseudo laïque ce qui en dit long sur sa supposée fonction de protection du public.

Cela veut-il dire que les périls prêtés aux sectes n'existent pas ? Non, bien sûr, Il existe effectivement des dangers à fréquenter certaines sectes comme il existe des dangers à obéir à la lettre à certaines religions traditionnelles. Mais il existe aussi des dizaines de périls comparables à ceux d'une secte qui peuvent provoquer des addictions, une perte de contrôle de soi et le lessivage de ses économies : le poker, la bourse, les jeux vidéos, le sport de haut niveau, la politique, etc.

Le point de vue développé ici, j'espère qu'on l'aura compris, n'est pas une attaque contre les grandes religions (ces religions familiales dans lesquelles on nait), même s'il égratigne certaines de leurs pratiques ou de leurs textes fondateurs. La religion catholique est, dans son ensemble, parfaitement honorable et son message rythme pacifiquement la vie de centaines de millions d'individus qui y trouvent un équilibre et une aide spirituelle.
Ce qui est dénoncé ici c'est la discrimination, c'est à dire la non application de la Règle de la Loi (rule of law).

Lorsque l'Etat souhaite appliquer des lois à certains (les sectes) mais qu'il ne peut pas les appliquer à d'autres (les religions statutaires) sans causer de grands désordres et de grands ressentiments, c'est qu'il y a un vrai problème de fond. La loi doit être la même pour tous ou ne pas exister. La discrimination n'est pas une méthode de gouvernement acceptable.

Pour sortir de l'impasse actuelle il faut adopter deux démarches démocratiques et objectives.

- Si une loi ne peut manifestement pas être appliquée à une religion statutaire, elle ne doit pas être appliquée à une religion minoritaire. Il faut donc abandonner ou adoucir toutes les sanctions que l'on n'est pas prêt à infliger aux grandes religions. A cet égard on peut se poser la question de la pertinence des concepts "d'exercice illégal de la médecine" ou de "non assistance à personne en danger" (vaste sujet).

- Il faut adopter une attitude plus ferme à l'égard de toutes les religions qui enfreignent des lois que l'on juge valides et universelles. Aucune religion ne doit échapper aux rigueurs de ces Lois, quels que soient son ancienneté et le nombre de ses fidèles.

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