Manuel Valls pour une refondation libérale de la gauche.

Ce n'est rien moins qu'abandonner le mot socialiste que Manuel Valls propose à la direction du parti socialiste.

"Oui il faudrait changer de nom. Pour prendre un nouveau départ, ce serait un symbole fort. [...] La mondialisation économique nous pose évidemment de redoutables défis et le mot socialisme, hérité du XIXe siècle, brouille en partie notre identité."

La sortie de son nouveau livre, pour en finir avec le vieux socialisme et être enfin de gauche lui fait enchainer les interview et les colloques.


Gauche libérale est allé l'écouter au forum de l'ESG à l'invitation de la revue Le Meilleur des Mondes.

         

Manuel Valls ne nous a pas déçu sur sa vision de la politique étrangère ni sur le jugement qu'il porte sur la gauche française. Sur le plan des actions concrètes à entreprendre, pas d'annonce fracassante, mais une acceptation globale des mesures préconisées par la droite sur l'allongement de l'âge de la retraite, sur le temps de travail, sur la flexibilité, etc.

"Le renouveau de la gauche française sera très difficile car il passe par des analyses qui nous conduisent souvent à faire le même diagnostic que la droite sur l'état de notre pays et sur les réformes dont il a besoin. Mais il faut passer par un constat lucide du monde dans lequel nous sommes, pour ensuite inventer de nouveaux concepts." (1)

Manuel Valls n'a jamais eu de sympathie ou d'attirance pour l'extrême gauche ou pour les communistes. Voilà qui nous change de beaucoup "d'éléphants". Il déclare :

"Je n'ai jamais partagé l'attraction d'une partie de la gauche française - qui perdure - pour le castrisme. [...] il est difficile de trouver aujourd'hui la moindre excuse à ce qui est une dictature.
[... ] Alors que d'autres, dans leur jeunesse voulaient faire la révolution, la motivation fondatrice de mon engagement c'est la liberté, la démocratie, la philosophie des lumières... "

Un peu plus étonnant il ajoute :

"Je n'appartiens pas à la génération des soixante-huitards mais plutôt à la "bof génération", symbolisée par la candidature de Coluche et par le désintérêt pour la politique. C'est une génération qui ne croit pas à la révolution mais qui se retrouvera dans le combat moral de SOS-Racisme."

Parmi les points qui font spécialement plaisir à Gauche Libérale citons :

"J'admire profondément les Etats-Unis, il faut toujours être attentif à ce que pensent les intellectuels et les responsables politiques américains."

ou :

"Sur des sujets tels que les OGM et le nucléaire, je suis très sceptique concernant une forme de dictature intellectuelle de l'idéologie écologiste. [...] on n'alimentera pas la planète en nourriture et en énergie avec de l'agriculture bio et des éoliennes."

L'analyse de Manuel Valls sur la schizophrénie de la gauche françaises est particulièrement lucide (avec de sérieuses réserves sur l'appréciation "plutôt bien") :

"Quand la gauche est au pouvoir elle gère le capitalisme, et plutôt bien d'ailleurs. Mais une fois dans l'opposition, elle se refuse à théoriser sa pratique. nos électeurs ont perpétuellement l'impression d'avoir été trahis. Car nous continuons à employer les mêmes mots que si nous n'avions jamais gouverné."

Son jugement sur la droite française est également en accord avec celui de tous les libéraux :

"La gauche française se heurte en fait à une difficulté paradoxale, c'est que la droite ici n'est pas libérale. En angleterre, c'est le thatchérisme qui a permis à la gauche de rompre avec l'étatisme. En France, on ne voit rien d'équivalent."

En revanche quelques indicateurs démontrent que les libéraux et en particulier Gauche Libérale ont encore beaucoup de travail :

"L'Histoire ne s'est évidemment pas arrêtée mais nous vivons dans un monde où n'existe plus d'autre système que celui de l'économie de marché. [...] Pour moi, le militant, le citoyen, le responsable de gauche, c'est celui qui cherche à humaniser, à réguler le capitalisme."

Alors que le droit du sol et les droits de propriété les plus élémentaires sont refusés à la moitié de la population mondiale, alors que les Etats-Nations captent la moitié des richesses produites sur la planète, nous serions dans une économie de marché.
Cette vision d'un Monde "libéral" que le nouveau parti socialiste-sans-le-mot- socialiste aurait pour mission "d'humaniser" me parait fausse et dangereuse. Le monde n'est pas libéral. La crise alimentaire mondiale et la crise du logement sont intimement liées à des politiques dirigistes et aux blocages étatistes. Le capitalisme d'Etat, le refus des échanges, les protectionnismes déguisés, l'attribution de privilèges, voilà les maux qu'il faut combattre prioritairement.

Autre tarte à la crème de la morale socialo-gaulliste qui ressurgit :

"L'accaparement de la valeur ajoutée par le capital au détriment du travail reste pour nous, sans doute, la principale cause de l'explosion de nos systèmes sociaux."


bof, bof, que voulez vous, nobody's perfect... Mais un Manuel Valls à la tête du parti-socialiste- sans-le-mot-socialiste, ce serait quand même un sacré progrès.


(1) Les passages cités sont extraits de l'excellente revue : Le Meilleur de Monde, à laquelle je vous recommande de vous a-bon-ner !

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