Nicolas Lecaussin viré de l'IFRAP

L'actualité récente offerte par le limogeage de Nicolas Lecaussin, me donne l'occasion de poster un texte paru en avril 2007 sur le site AL92 récemment disparu.

Rappelons les faits récents : Nicolas Lecaussin, brillant rédacteur en chef de la revue de l'IFRAP  "Société civile" a été licencié par Bernard Zimmern, son dirigeant. Bernard Zimmern n'a en effet pas supporté la publication d'un ouvrage de son poulain intitulé "L'absolutisme efficace", critique à l'égard de Sarkozy. Après avoir vainement tenté d'en faire supprimer des passages, M. Zimmern a purement et simplement licencié son principal collaborateur pour faute... lourde (si l'on en croit la presse) !

L'IFRAP est spécialisé dans la publication d'enquêtes souvent fort intéressantes sur nos administrations. Ses études sont reprises par les medias et influencent, parait-il, certains politiques. Certains croyaient voir dans cet organisme un think tank libéral. Son soutien inconditionnel au candidat puis au président Sarkozy ne peut évidemment pas le ranger dans une telle catégorie, d'ailleurs M. Zimmern affirmait lui-même il y a un an qu'il était un conservateur et non un libéral.

Eh bien il nous en donne aujourd'hui une éclatante confirmation.

Dans article intitulé : le futur est-il libéral ou conservateur ? paru sur le site de l'IFRAP, Bernard Zimmern, ancien président de cette organisation d'enquête et de recherche sur les administrations publiques, fait son "outing" conservateur.

L'article est visible ici

Selon lui Nicolas Sarkozy est "seul capable d'être un conservateur" et seul le conservatisme est capable de nous remettre sur "les rails de la croissance et du développement" !

Que M. Zimmern ait découvert que Nicolas Sarkozy est un conservateur et non un libéral est tout à son honneur. C'est malheureusement là le seul propos à peu près sensé de son article.

Car l'article entier est un florilège de contresens et d'inexactitudes :
"ce qui a réussi dans le monde ..., ce n’est pas le libéralisme, c’est le conservatisme,..."
Le conservatisme, par définition ça consiste à ne rien changer. Or ce n'est pas en ne changeant rien que de nombreux pays ont réussi à se réformer. Le Canada, l'Australie, les pays nordiques, la Grande Bretagne ont changé sur l'impulsion de vraies réformes et ces réformes ne venaient pas toujours de la droite prétendument "conservatrice". En Italie c'est par deux fois, une coalition de gauche qui mena les réformes (avant et après Berlusconi),

M. Zimmern poursuit :
"... le conservatisme, un mélange d’idées prises chez Bastiat, Hayek, et, plus proche, Friedmann, mais s’appuyant sur un réalisme et écartant tout dogmatisme. "
Il s'agit là d'un contresens total. Le libéralisme est tout sauf dogmatique puisque lui, justement ne prétend pas régir l'économie au nom d'une morale, qu'elle soit de droite ou de gauche, socialiste ou conservatrice. Le libéralisme nous enseigne que c'est justement par l'étude des faits, par l'observation des usages qui s'établissent librement entre les acteurs du marché que naissent les règles et le droit que l'Etat devra faire respecter. Quand à trouver une once de conservatisme chez Bastiat, c'est un peu comme trouver du libéralisme chez Sarkozy, il faut vraiment chercher...
Continuons à explorer les méandres de la pensée politique de M. Zimmern.
Il nous apprend par exemple que depuis le retrait d'Alain Madelin, les défenseurs du libéralisme se multiplient (bonne nouvelle) mais deux lignes après il parle d'ex-libérauxqui rejoignent Le Front National ou Bayrou. C'est quoi un ex-libéral ? En français à priori ça devrait vouloir dire quelqu'un qui n'est plus libéral,. mais dans le langage de M. Zimmern on devine que ce n'est pas ça. Un ex-libéral c'est un libéral qui, ayant perdu son guide suprême (Madelin) se trouve tout désorienté et qui au lieu de se raccrocher au "bon" nouveau guide suprême (N. Sarkozy, bien sûr) se raccroche à Bayrou ou à ... le Pen (!).

Passons rapidement sur l'incongruité du ralliement d'un libéral au Front National : dogmes culturels, refus de la mondialisation, préférence nationale, culte du chef, souverainisme étatiste, les thèmes de ce parti sont diamétralement opposés au libéralisme.

Le cas du ralliement à Bayrou est encore plus révélateur de l'incohérence du raisonnement de M. Zimmern. Car si la Solution aux problèmes de notre pays c'est le conservatisme et non pas le libéralisme, et si Sarkozy est un conservateur et non pas un libéral, il est donc tout à fait normal que les libéraux ne votent pas Sarkozy (c'est M. Zimmern lui-même qui nous le démontre), alors pourquoi vient-il reprocher à certains libéraux de voter Bayrou ?

Bref tout ceci démontre que l'on peut être un bon comptable, avoir effectué un excellent travail d'enquête sur les administrations... et être très éloigné de l'éthique et des préceptes libéraux.

La vision de M. Zimmern est d'ailleurs tout à fait révélatrice du quiproquo qui perdure sur le positionnement des libéraux. Les libéraux ne sont pas et n'ont jamais été la droite de la droite. Ce faux positionnement leur a été attribué par leurs adversaires de la gauche marxisante, cette gauche tellement viscéralement opposée au libéralisme qu'elle ne peut se le représenter que comme une des composantes de la droite extrême. Que des conservateurs se soient reconnus dans le positionnement des libéraux suggéré par la gauche marxiste et altermondialiste ne légitime en rien cette erreur historique. Disons le tout net, ce n'est pas aux adversaires du libéralisme de définir le libéralisme.

Ce ne sont pas Bové, Besancenot et Buffet qui doivent décider du contenu d'un programme libéral. Cette affirmation peut paraitre évidente, et pourtant, au cours de ces dernières années et avant la naissance d'Alternative Libérale, c'est bien la vision du libéralisme imaginée par l'extrême gauche qui prévalait dans les média sans qu'aucune voix contradictoire ne se fasse entendre. L'invention des termes néo et ultra libéralisme par l'extrême gauche, largement reprise par les média, en est un exemple saisissant.

Au lieu d'adopter la vision de l'extrême gauche sur le libéralisme, M. Zimmern ferait donc mieux, lui qui est un conservateur, de laisser les libéraux décider de leur avenir et de leurs choix.

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