Les anti ou alter-mondialistes trompent l'opinion quand ils prétendent
défendre les plus défavorisés.
Dans les manifestations de Cancun, de Porto Alègre, de Bombay ou de
Nairobi, il y a deux sortes de participants :
- d'un côté ceux issus des pays riches, c'est à dire les syndicalistes
"José-bovistes", représentant les agricultures subventionnées des pays riches,
ceux représentant les syndicats traditionnels des industries déclinantes de ces
mêmes pays, associés aux mouvements écologistes, Greenpeace et consorts,
soucieux de leur nourriture élitiste bio, ennemis du nucléaire et des OGM,
enfin ceux qui réalisent une synthèse politique du tout tel Attac;
- de l'autre côté la masse des représentants des pays pauvres.
Ces deux grandes représentations croient défendre la même cause mais il
n'en est rien.
Car le monde, qu'on le regrette ou non, est
organisé en Nations dotées de politiques et de hiérarchies sociales très
dissemblables. Les différences sociales, l'écart entre les plus riches et les
plus pauvres à l'intérieur de chaque Nation dépend pour une grande part de
l'histoire et de l'organisation de ces pays et non de la mondialisation
économique. Au Mexique l'écart entre les plus riches et les plus pauvres est
parmi les plus élevés dans le monde.
Les alter-mondialistes des pays riches
défendent leurs intérêts pécuniers avec force. La Confédération Paysanne de
José Bové en est un parfait exemple. Bloquer la mondialisation économique est
tout à leur avantage. Grâce à leur action, les pays riches continueront à
empêcher l'afflux de marchandises ou de produits agricoles à bas prix, venant
des pays pauvres.
Ce bloquage, quand il ne prend pas la forme de
quotats (les droits de douanes sont devenus politiquement incorrects dans les
pays riches car un peu trop voyants), se fait sous la forme de subventions
massives à des secteurs économiques (PAC). Il se fait aussi sous une forme plus
sournoise de promotion des produits du "terroir", des "appellations d'origines
contrôlées" et du label "bio". C'est bien connu, les pays pauvres n'ont pas de
terroir et les produits agricoles importés des pays pauvres vont entraîner la
"mal bouffe" pour nos riches alter-mondialistes. L'agriculture des pays riches
reçoit ainsi 6 fois plus de subventions (1 milliard de dollars par jour) que le
montant de l'aide totale que les pays riches accordent aux pays pauvres.
L'action des riches alter-mondialistes est
donc purement égoïste. Ils organisent cyniquement la protection des classes
défavorisées des pays riches (paysans ouvriers) au détriment de l'économie des
pays pauvres.
Ce qui donne son côté "social" et soi-disant
"de gauche" à l'action des riches alter-mondialistes c'est le fait qu'ils
défendent les couches les plus basses de nos riches économies. Ils s'opposent
aux délocalisations qui touchent les ouvriers et empêchent donc très
logiquement la création d'emploi dans les pays pauvres. On comprend
parfaitement leur intérêt immédiat. C'est la "préférence nationale", mais celle
là est "de gauche".
Défendre ses intérêts n'est pas blamable en
soi. C'est le rôle des syndicats, des associations et des lobbies.
Ce qui rend les alter-mondialistes poujadistes
et indignes de la gauche généreuse et internationaliste c'est leur mépris des
intérets des pays pauvres et la façon dont ils les trompent. Ce n'est pas parce
qu'on défend les intérêts des personnes les plus défavorisées dans les pays
riches qu'on acquiert une légitimité de générosité internationale, bien au
contraire. Une vraie vision de gauche consiste à lutter contre les inégalités
sociales nationales aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres
et simultanément, à laisser les flux économiques s'établir entre eux. Dans une
vision libérale, la lutte contre les inégalités devra prendre la forme d'un
combat contre les monopoles et les blocages, pour l'égalité des droits, pour le
libre accès de tous à l'éducation et au marché. Surtout pas celle des aides aux
entreprises ou aux personnes, du dirigisme et de l'interventionnisme, qui
aboutit à la corruption de masse et au "clientélisme démocratique" qui
caractérisent le monde actuel.
Les alter-mondialistes issus des pays pauvres
sont les représentants des vrais pauvres de la planète. Ils voient d'un très
mauvais oeil la mondialisation qui, en favorisant les entreprises de leurs pays
les mieux placées pour exporter, va entraîner des bouleversements de l'économie
et une remise en cause de leurs activités.
Ce n'est évidemment pas le petit paysan
mexicain qui va être capable d'exporter vers les Etats Unis ni le petit artisan
marocain qui va vendre sur le marché français. La mondialisation favorise les
grandes et moyennes entreprises c'est indéniable.
La mondialisation va donc entraîner dans ces
pays le même type de changements que nos économies ont connu au cours de la fin
du 19e siècle et pendant le 20e. En France les agriculteurs ne représentent
plus que 6% de la population active et l'agriculture ne contribue qu'à 2% du
PIB national. La taille des exploitations n'a cessé de croitre, la révolution
industrielle a vidé les campagnes et rempli les usines. La révolution tertiaire
et les délocalisations sont en train de vider les usines ce qui,
paradoxalement, stoppe l'hémoragie rurale. Les pays pauvres de notre planète
vont connaître ces bouleversements. Il vont avoir à lutter pour leurs droits
sociaux, contre les inégalités, contre la précarité. Ces luttes, nécessaires au
niveau national, n'ont rien à voir avec l'anti-mondialisme.
La mondialisation économique bénéficie aux
pays pauvres. En s'y opposant, les anti-mondialistes des pays pauvres
maintiennent la carcan économique qui bloque le développement de leurs
pays.
Les intérets sociaux des déshérités de la
planète sont tout à fait légitimes, mais ils se trompent d'adversaires
lorsqu'ils participent aux forums de Cancun, de Porto Alegre ou de Bombay pour
combattre la mondialisation de l'économie. Ils sont trompés par la notoriété et
les moyens des alter-mondialistes des pays riches.
C'est en luttant au niveau national pour une
meilleure répartition des richesses et de l'éducation, contre les dictatures et
les oligarchies, que ces catégories amélioreront leur condition.
Lorsque les manifestants indiens de Bombay
protestent contre les castes, bravo ! voilà une lutte légitime et combien
nécessaire. Mais dans la même manifestation on entend proférer des slogans
anti-américains et conspuer le "néo-libéralisme". Les riches alter-mondialistes
ont réussi le tour de force de rendre les américains et le "néo-libéralisme"
responsables du système des castes en Inde !
Les multinationales, tant décriées par les
alter-mondialistes, sont des machines aveugles dont l'intéret est de distribuer
un maximum de travail dans les zones ou la main d'oeuvre est bon marché. Les
multinationales, sont qu'on le veuille ou non, les Robins des bois qui
transfèrent des emplois des pays riches vers les pays pauvres.
"Oui, mais c'est pour faire plus de profits
qui vont dans la poche du patronat" entend-on chez les riches
alter-mondialistes, qui essayent ainsi de redonner une légitimité sociale à
leur discours. Cette affirmation ne résiste malheureusement pas à une analyse à
peine plus poussée du mécanisme économique de la mondialisation. Premièrement
les bénéfices des entreprises n'ont aucune commune mesure avec leur masse
salariale. Les entreprises industrielles, sauf cas particuliers réalisent des
bénéfices de l'ordre de 5% à 9% de leur chiffre d'affaire. La masse salariale
quand à elle varie entre 20 et 50 % du chiffre d'affaire. Deuxièmement ces
bénéfices servent à réinvestir donc à créer de la richesse et des emplois,
permettent de rémunérer les capitaux investis par les fonds de pension et par
des petits porteurs qui n'ont rien à voir avec l'imagerie traditionnelle du
"patronat" diffusée par les alter-mondialistes et par la gauche marxiste.
Enfin les gains de productivité des
entreprises se traduisent par une baisse des prix des produits alimentaires et
manufacturés qui profite en premier lieu aux habitants des pays riches. Nos
riches alter-mondialistes sont en effet bien content d'acheter des jouets ou
des vêtements "made in China" dans leur supermarché favori et surveillent au
centime près l'évolution des prix. Pas question de payer plus cher, Leurs
syndicats et leurs associations de consommateurs y veillent. Tout dérapage des
prix est dénoncé comme une "atteinte à leur pouvoir d'achat".
Alors anti ou alter-mondialistes ? c'est
plutot le terme ego-mondialistes qui convient le mieux à ceux qui trompent les
pays en voie de développement et qui construisent une fausse idéologie de
générosité dans le seul but de défendre leurs intérêts immédiats.