La Justice sociale.

Ces deux mots, ont toujours autant de succès parmi les dirigeants de la gauche. Jean Luc Mélenchon, Ségolène Royale, Martine Aubry et même Bertrand Delanoë les invoquent, tel un mantra mille fois répété. Ils sont ainsi cités quatorze fois dans le dernier livre de Bertrand Delanoë,  Leur emploi abondant n'a d'ailleurs pas pu empêcher la déconvenue du maire de Paris aux élections internes du PS. L'infortuné avait eu la malchance de se revendiquer du libéralisme (politique) juste avant la crise. Les quatorze citations de la "justice sociale" n'ont donc pas réussi à compenser sa malheureuse évocation du libéralisme.

Mais qu'est-ce que cette justice sociale dont se gargarisent tous les dirigeants de la gauche rose verte et rouge et qui plaît tant à leurs électeurs ?

La justice sociale c'est l'idée que l'Etat doit réparer des injustices qui naissent spontanément du marché assimilé à une jungle (au mépris de toute vraisemblance puisqu'il n'y a ni droit, ni contrat, ni responsabilité dans un écosystème peuplé d'animaux et de plantes). C'est un crédo fondamental des dirigistes qui affirment que la régulation étatique est supérieure à la régulation qui naît de l'offre, de la demande et de la concurrence. Mais pourquoi employer le mot justice ? Pourquoi ne pas utiliser les termes d'ingénierie sociale ou de redistribution sociale ?  Le mot justice suppose en effet  qu'il y a des victimes et des coupables.  Dans cette vision de la société, les coupables sont ceux dont les revenus ou la valeur des biens sont plus élevés que la moyenne. Autrement dit ceux qui réussissent à accumuler plus de richesses que les autres sont des délinquants que la "justice sociale" doit punir.
Cette profession de foi de la gauche, et  même de la droite non libérale –  c'est à dire en France 95% de l'électorat –  repose donc sur l'idée que la richesse et la réussite sont une forme de criminalité.

Pourtant en théorie, c'est notre constitution qui le dit, la justice devrait punir exclusivement ceux qui nuisent à autrui. Toute la question est donc de décider si la richesse accumulée par certains se fait au détriment des autres ou pas. On revient à la question de fond : est-ce que la richesse se crée ou bien est-ce qu'elle "existe" et doit se partager ?  Si la richesse se crée - ce qui semble admis par le plus grand nombre, sauf par les écologistes radicaux - sa création rémunère t-elle équitablement les acteurs économiques ? A cette dernière question la gauche, tout comme la droite gaulliste, largement convertie au socialisme, répondent par la négative.
Cette omniprésence du thème de la justice sociale au sein de la gauche dirigiste et son refus d'adopter le capitalisme montre bien que la théorie marxiste de la survaleur imprègne en profondeur la société française. En effet, si on tient cette théorie pour acquise, les titres de propriété qui résultent de l'exploitation capitaliste sont un vol. La justice sociale réparerait donc ce vol en redistribuant les biens volés aux "travailleurs" c'est à dire en indemnisant des victimes.

Contrairement à beaucoup d'analystes politiques, nous ne voyons pas dans la position de la gauche française une attitude dépassée ou "ringarde", celle qui l'aurait amené à rater le virage de la social-démocratie pris par tous les autres pays européens. Au contraire, elle est logique et a même un certain panache. La gauche française, à des degrés divers, a tourné le dos à la position utilitariste qui consiste à passer sur les injustices attribuées au capitalisme libéral pour mieux bénéficier de la manne qu'il génère. En France, les électeurs de gauche ont régulièrement sanctionné ceux qui voulaient s'engager  sur la voie de la social-démocratie parce qu'il considèrent le système capitaliste injuste. La gauche européenne, plus pragmatique, considérant qu'il est désastreux pour la richesse nationale de désigner comme coupables ceux qui travaillent bien, créent des entreprises, inventent ou innovent, a accepté de composer avec le capitalisme sans se prononcer clairement sur son équité.

Le but politique d'une gauche libérale ne sera donc pas de réconcilier les français avec le compromis social-démocrate, il sera de démontrer que la propriété acquise dans une société libérale est juste car conforme à l'intérêt général et que la théorie marxiste de la survaleur est fausse. 
Nous devrons aussi montrer que la société socialiste, loin de rétablir la justice, ajoute aux inégalités de fait des inégalités en Droit et rétablit de nouvelles formes de privilèges contraires aux principes de 89.
La gauche libérale établira que ceux qui s'enrichissent par leur travail, leur talent ou leur chance ne sont pas des criminels puisque les services qu'ils rendent aux autres sont la mesure de leur rémunération.
La gauche libérale s'intéressera donc au sort des plus démunis sans utiliser la réussite ou la richesse comme bouc émissaire. Elle supprimera les multiples obstacles qui les empêchent de valoriser leur travail et leur talent. Elle leur permettra d'accéder au marché et à l'éducation. Elle défendra leur propriété.
Parallèlement, elle établira une claire distinction  entre les titres de propriété acquis par consentement mutuel et ceux qui proviennent de protections, subventions ou concessions accordées par le pouvoir ou la force publique, c'est à dire par la violence. Ainsi les grandes sociétés du capitalisme d'Etat (CAC 40) devront renoncer à leurs privilèges et seront placées en situation de concurrence réelle.

Rénover la gauche ce n'est pas seulement changer les mots qui la désignent, c'est aussi revoir les concepts sur laquelle elle est bâtie. La justice sociale fait partie des évidences idéologiques de la vieille gauche dirigiste qu'il nous faut combattre et dépasser.

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