L'intox bio sur les pesticides - 2e partie

Comment mesure t-on la toxicité des pesticides ?


Cette présence de pesticides naturels dans notre alimentation nous amène à nous interroger sur les méthodes employées pour juger de leur toxicité. La méthode canonique qui est employée par les laboratoires consiste à isoler les substances présumées dangereuses et à les administrer à haute doses à des rongeurs. Si des pathologies apparaissent chez les rongeurs, le lobby bio comme l'administration sanitaire croient pouvoir en déduire que les mêmes substances, administrées à l'homme à très faibles doses sur une longue période, seront dangereuses.

Cette hypothèse fait l'objet de controverses sérieuses. De nombreux scientifiques estiment que des doses infimes de pesticides peuvent être contrôlées et complètement éliminées par l'organisme sans effet cumulatif. Les enzymes de détoxification ne font d'ailleurs pas la différence entre des produits "naturels" et des produits de synthèse, ce sont les motifs chimiques nuisibles qui sont reconnus et détruits par les défenses de l'organisme.
Les chercheurs soulignent également que le fait d'isoler une substance puis de l'administrer en dehors de son contexte physico chimique peut en modifier les effets.
Bien entendu tester l'administration de produits à faible doses sur de longues périodes est très difficile à réaliser et très couteux. L'administration préfère donc s'en tenir aux méthodes les plus simples en vertu du principe de précaution. Dans le doute on interdit.

Le black out sur l'existence des pesticides naturels

Mais admettons même que la méthode prônée par le lobby bio soit pertinente.
Si elle est valable elle devrait aussi s'appliquer aux pesticides naturels, Or le lobby bio maintient un silence total vis à vis du public sur la présence de pesticides naturels dans les aliments et considère qu'il est inutile de les tester. Le principe de précaution est ici oublié, car les idéologues bio partent du principe qu'au fil du temps, les animaux et les hommes ont développé des résistances aux pesticides naturels, et que l'on peut donc les ingérer sans risque. Pourtant si l'on applique la méthode exposée ci-dessus (isolement des substances et administration à fortes doses à des rongeurs), on s'aperçoit que de très nombreuses substances dites "naturelles" devraient faire l'objet d'un classement toxicologique. Dans l'étude de Ames citée précédement, 50% des pesticides naturels testés se sont avérés cancérigènes. Ames relève par exemple que seuls 3% des pesticides naturels présents dans une tasse de café ont fait l'objet de tests.
On comprend aisément pourquoi le lobby bio refuse d'appliquer ses propres méthodes aux pesticides naturels : s'il était révélé que les pesticides naturels que nous ingéront sont positifs aux tests toxicologiques ce serait un coup dur pour les campagnes de dénigrement orchestrées par le consortium bio.
L'attitude des pouvoirs publics est en revanche plus difficile à décrypter. Pourquoi promouvoir dans les écoles une nourriture qui utilise des intrants non testés et qui contient potentiellement plus de germes et bactéries nocives que les produits de l'agriculture raisonnée ? Les récents scandales alimentaires liés au bio nous rappellent que le risque zéro n'existe pas.

L'agriculture biodynamique ou sans intrants est-elle plus saine ?

Encouragées par l'idée que les produits naturels sont bienfaisants et qu'un "retour à la nature" est nécessaire, des doctrines plus radicales émergent de la mouvance bio. La biodynamie consiste à n'accepter comme intrants que ceux qui sont produits par l'exploitation agricole considérée comme un être vivant. La biodynamie mélange des considérations proches de l'ésotérisme avec une réflexion digne d'intérêt sur la durabilité, la pollution des sols et l'intégrité animale.
Dans un registre encore plus radical, Pascal Poot producteur bio autodidacte, a mené une expérimentation très intéressante sur des plantes potagères exposées à un stress maximal. Il a réussi à produire des espèces qui se développent sans le moindre apport extérieur, en situation de sécheresse ou d'excès d'eau. Il le dit lui même : "j'apprends aux plantes à se défendre". Le travail de Pascal Poot consiste donc à sélectionner des plantes qui survivent et produisent en milieu hostile. Or les plantes, lorsqu'elles sont attaquées, augmentent naturellement leurs défenses en produisant des ... pesticides naturels. Il y a donc fort à parier que les plantes issues de l'agriculture sans intrants contiennent beaucoup plus de pesticides que les variétés commerciales courantes. Ceci, loin de disqualifier cette production originale, met surtout en relief l'incohérence du discours écologique sur les pesticides.

Préférence au bio et plan Écophyto, l'idéologie guide les pouvoirs publics.

La schyzophrénie sanitaire sur les produits bio est entretenue par les pouvoirs publics. Les produits bio permettent en effet de maintenir des prix hauts, hors marché eu égard à leurs faibles apports qualitatifs, ils constituent une forme de protectionnisme, rebaptisée pour l'occasion "production locale", et ils permettent aux États d'endosser à bon compte le rôle de protecteur de la santé publique.
Une attitude responsable consisterait à mettre en balance les risques et les bénéfices des pesticides apportés par l'homme et de définir sereinement les bonnes pratiques optimales pour la santé, l'environnement, et la productivité.
Au lieu de cela, le plan Écophyto français prévoit une réduction globale de 50 % des produits phytosanitaires à l'horizon 2018, sans justification au cas par cas, sans étude sanitaire et sans mesure des conséquences économiques.
Là aussi le discours écologique est étrangement partial. Une étude de 2015 menée par des chercheurs des universités de Tufts, Liverpool et Harvard estime qu'une baisse de prix de 10% des fruits et légumes provoquerait une baisse de la mortalité par maladies cardiaques qui sauverait la vie de 64 000 individus aux USA . Le lobby écologiste ne croit peut-être pas à cette étude, mais alors pourquoi met-il en avant une autre étude portant sur les effets du réchauffement climatique, qui prédit qu'une baisse de 4% dans la production de fruits et légumes à l'horizon 2050 provoquera une augmentation de la mortalité de plus de 500 000 personnes dans le monde ?
 
Réduire les épandages de produits lorsqu'ils ne sont pas nécessaires est une bonne mesure qui passe par la formation des professionnels et par des systèmes d'alerte régionaux sur la présence des nuisibles. Mais décider de réduire globalement de 50% les pesticides de synthèse et d'augmenter la part de la production bio à 20% est une mesure purement politique et idéologique qui désigne les pesticides de synthèse comme des coupables à priori. On est bien loin des objectifs qui devraient guider toute politique agricole, à savoir assurer l'accès des populations à une nourriture saine, abondante et bon marché, produite sur des surfaces raisonnables.

Cet article tire principalement sa source du dossier sur les pesticides paru dans les numéros 315 (janvier - mars 2016) et 316 (avril - juin 2016) du magazine Science & pseudo-sciences, une publication de l'AFIS, Association Française pour l'Information Scientifique. Le dossier en question contient une bibliographie et des renvois vers les nombreuses publications scientifiques sur le sujet.
Photo flickR licence CC par I for Detail.

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