En effet le bipartisme et le système électoral leur permettent d'engranger
toutes les voix de ceux qui ne veulent pas que le camp opposé l'emporte. Ainsi,
nos élus comptabilisent comme une adhésion à leurs programmes et à leurs
actions le vote de tous ceux qui les trouvent seulement un peu moins nuisibles
que leurs adversaires et qui de ce fait, vont faire l'effort de se déplacer
dans l'isoloir. Dans la logique électorale qui est la notre, la classe
politique peut donc devenir de plus en plus incompétente et avoir des résultats
de plus en plus désastreux sans que cela soit le moins du monde sanctionné par
les urnes. A la limite plus deux hommes politiques sont perçus comme
potentiellement catastrophiques par l'opinion, et plus les électeurs se
mobiliseront pour faire barrage à l'un ou à l'autre. Bien entendu les deux
hommes politiques en question profiteront de cette mobilisation pour conforter
leur autorité et leur emprise sur leurs administrés.
Quel est l'ampleur de ce phénomène et de combien de votes positifs disposent
réellement nos élus ? Voilà ce que le bulletin de vote complet se propose de
révéler.
Si l'on veut comptabiliser le vote de rejet, il suffit que ce choix soit
exprimable. Dans le vote complet on peut donc voter pour le
candidat de son choix ou bien contre le candidat que l'on trouve
particulièrement nuisible ou dangereux. On ne dispose toujours que d'une seule
voix, il faut donc choisir entre adhérer au programme de quelqu'un ou bien
faire barrage à un autre. Prenons le cas le plus simple, celui où il n'y a que
deux candidats A et B. C'est le cas du deuxième tour des élections
présidentielles mais aussi celui, du deuxième tour de nombreuses élections où,
par la voie des alliances et des désistements il ne reste bien souvent que deux
candidats ou listes en présence.
Le vote complet permet de voter une seule fois avec 4 possibilités, plus le
vote blanc.
1) pour A
2) pour B
3) contre A (cela fait perdre une voix à A)
4) contre B (cela fait perdre une voix à B)
5) vote blanc
Voter pour A ou contre B donne exactement le même résultat pour la
détermination du résultat final.
En revanche, il devient possible de mesurer le véritable taux d'adhésion dont
bénéficie un élu.
Par exemple imaginons que 1000 électeurs soient inscrits sur les listes
électorales
Les résultats de l'élection avec la méthode traditionnelle sont :
Inscrits : 1000
Abstentions : 380
Votants : 620
Blancs ou nuls : 16
Exprimés : 604
Candidat A : 255 voix
Candidat B : 349 voix
Le candidat B peut se targuer d'avoir été élu avec 57,8% des suffrages
exprimés. Mais en réalité il a été élu avec 34,9% des inscrits - c'est déjà
faible - moins le pourcentage de ceux qui ont voté pour lui pour ne pas
voir le candidat A arriver au pouvoir qui est complètement invisible dans une
élection traditionnelle.
A noter que dans le système électoral actuel, une partie des abstentions sont
en fait des votes blancs et que les nuls sont en grande majorité l'expression
d'un rejet des deux candidats.
Les proportions ci-dessus ont été établies sur la base de résultats réels du
deuxième tour de l'élection législative de 2012.
Cherchons maintenant ce qui se serait passé avec le vote complet.
Le nombre d'inscrit est inchangé. Les abstentions baissent. En effet la
possibilité d'enlever une voix à un candidat attire vers les urnes des
abstentionnistes. Nous supposons qu'ils sont 60. De plus, nous supposons que 10
votes blancs ou nuls se retrouvent également attirés par la possibilité du vote
négatif. Cela fait donc 70 personnes qui vont voter négativement (sinon elles
auraient été voter dans le mode de scrutin précédent). Ces voix négatives
vont se répartir en proportion des scores du candidat adverse. On peut penser
que 57,8 % des 70 convertis, soit 40 personnes, étaient plutôt partisans de B,
sans aller jusqu'à voter pour lui dans l'ancien système. Ceux-là vont donc
voter contre A dans le nouveau système, et le restant des 70, soit 30
personnes, vont voter contre B.
Par ailleurs nous supposons que 20% de ceux qui ont voté pour A ou B l'ont fait
pour barrer la route à leurs adversaires. Avec le vote complet, ces 20%
préfèrent enlever une voix au candidat adverse. 20% de 255 voix cela fait 51
votes contre B et 20% de 349 voix cela fait 70 votes contre A.
Inscrits : 1000
Abstentions : 320
Votants : 680
Blancs : 5
Nuls : 1
Exprimés : 674
Candidat A : 204 (255 -51)
Contre le candidat A : 110 (40 + 70)
Candidat B : 279 (349 -70)
Contre le candidat B : 81 (30 + 51)
Le candidat A obtient : 204 -110 = 94 voix
Le candidat B obtient : 279 -81 = 198 voix.
Le candidat B est donc élu avec 198 x 100 / 674 = 29,3 % des suffrages exprimés
et 19,8 % des inscrits. Ces pourcentages expriment, bien mieux que ceux du
scrutin actuel la représentativité de nos élus et seraient (peut-être) de
nature à dégonfler leur ego.
Pour les élections à candidats ou listes multiples, le principe est exactement
le même : chaque électeur ne dispose toujours que d'un seul droit de vote et
peut donner ou bien retirer une voix à l'un des prétendants. Dans ce cas les
effets seraient plus complexes. Les votes positifs seraient proportionnellement
plus nombreux que lors d'un deuxième tour puisque l'offre est plus diversifiée.
Les votes négatifs se porteraient seulement sur les postulants jugés dangereux,
au prorata de leur influence. Les petits partis inconnus, même jugés nuisibles
par une majorité de l'opinion, ne devraient pas souffrir du vote complet en
raison de leurs faibles chances de remporter l'élection. Qui voudra utiliser sa
voix pour barrer la route à un parti qui n'a aucune chance d'avoir des élus ?
En revanche un parti comme le front national qui se plaint continuellement de
sa faible représentation nationale pourrait avoir des surprises si le vote
complet était établi.
Il va de soi que le vote complet, n'a absolument aucune chance d'être instauré.
Les dirigistes n'ont aucune raison d'adopter un système qui mesure leur
représentativité réelle. En revanche le dispositif du vote complet est
facilement utilisable dans un sondage politique. Les coûts d'un sondage
d'opinion sur un panel représentatif de 1000 personnes n'est pas prohibitif.
Les instituts de sondage facturent à la question et on peut bénéficier de
tarifs attractifs lorsque les questions sont groupées dans ce que les
spécialistes appellent un "omnibus".
On pourrait ainsi avec quelques questions et un minimum d'explications, recréer
les conditions du vote complet et révéler au public la représentativité réelle
du pouvoir politique. Exemple :
Si la loi électorale vous donnait la possibilité d'utiliser votre vote pour
donner ou retirer une voix à un candidat, comment auriez vous voté lors du
deuxième tour des dernières élections présidentielles de 2012 ?
1) vous vous seriez abstenu
2) vous auriez voté blanc
3) vous auriez voté pour François Hollande (adhésion à son programme)
4) vous auriez retiré une voix à Nicolas Sarkozy (revient à voter pour François
Hollande sans adhérer à son programme)
5) vous auriez voté pour Nicolas Sarkozy (adhésion à son programme)
6) vous auriez retiré une voix à François Hollande (revient à voter pour
Nicolas Sarkozy sans adhérer à son programme)
Et vous, qu'auriez vous voté ?
Le bulletin de vote complet
S'inspirant de la
méthode du "bulletin de salaire complet", le "bulletin de vote complet"
consiste à révéler une réalité cachée, Il s'agit ici d'attirer l'attention, non
plus sur le niveau et l'opacité des charges salariales, mais sur la
représentativité réelle des femmes et hommes politiques au regard des pouvoirs
dont ils disposent.
Nos "élus" (comme ils se dénomment eux-mêmes sans rire) sont en effet placés
sur un piédestal. Propulsés au statut de représentants du peuple (nous), ils
prennent des décisions sur des centaines de sujets pour lesquels nous ne leur
avons délivré aucun accord. Leur statut les autorise à utiliser la force
publique pour imposer des lois et des règlements an nom d'une "volonté
générale" qu'ils sont supposés incarner. Ils légifèrent sur tout, restreignant
chaque jour un peu plus notre liberté individuelle. Ils n'ont aucune limite
naturelle puisque leur mandat se déroule sans contrôle et qu'ils ne seront
jamais tenus pour responsables de leurs erreurs.
Malgré tout cela et en dépit de la défiance dont ils font de plus en plus
l'objet, ces femmes et ces hommes politiques continuent de bénéficier de
"scores" électoraux dont ils se vantent et qui leur servent à asseoir leur
pouvoir.
1 De Incompris !!! -
Je préconise ce type de vote depuis de nombreuses années.
La réaction habituelle de mes interlocuteurs est d'abord le rejet avec l'argument que ce n'est pas possible.
Après discussion, j'ai toujours réussi les convaincre que ce serait intéressant. Toutefois les difficultés pratiques et le très probable refus des élus en place font que je suis considéré comme un doux reveur.
Ceci dit, l'option du sondage est une proposition séduisante. Mais qui va payer pour un tel sondage ??
2 De alcodu -
J'ai été surpris par les prix des sondages organisés par les grands instituts de sondage.
C'est assez abordable. Voir ici :
http://www.journaldunet.com/economi...
Il suffirait d'une petite souscription entre libéraux et d'un dépèche AFP pour buzzer à fond. En plus ça peut-être relayé par les partis libéraux amis et les médias worldwide....
3 De Changaco -
Ça me rappelle ce billet de Merome: http://merome.net/blog/index.php?po...
À lire aussi: http://changaco.net/blog/Les_vrais_...
4 De alcodu -
Intéressant en effet, ces articles vont bien dans la même direction. mais n'utilisent pas la même méthode.
Le bulletin de votre complet permet de mesurer le vrai taux d'adhésion au deuxième (dernier) tour d'une élection et non de le supputer.
De plus - j'insiste - le bulletin de vote complet est adapté aux sondages d'opinion avec des résultats clairs et publiables.
5 De Bob Shar -
Avec ce système il serait même possible d'avoir un nombre de voix négatif. Et d'être quand même élu.
6 De Bob Shar -
En fait des sondages analogues existent déjà : ce sont les baromètres et côtes de popularité. Le sondés répondent à des questions comme "faites-vous plutôt confiance ou plutôt pas pas confiance à M. X" ou "souhaitez vous que M. Y joue un rôle important dans les jours à venir".
Ce n'est pas tout à fait pareil, mais ça s'en rapproche, la différence étant qu'on peut voter dans ces sondages pour - contre - plusieurs personnalités. En ce sens c'est peut-être encore plus représentatif que cette idée de vote complet.
7 De Richard Kennaird -
Gauche libérale? I dont get it?
8 De alcodu -
Pour d'autres commentaires, voir l'article sur Contrepoints.