Depuis février 2010 le site du PS annonce fièrement : "Dans le débat qui
s'engage dans notre pays, le PS est rassemblé pour défendre un système juste et
solidaire, basé sur la retraite par répartition.
La retraite par répartition, c'est-à-dire la solidarité entre les
générations, est au cœur du modèle social de notre pays et constitue le socle
fondamental de notre système de retraites"
Chez les écologistes, même son de cloche avec Eva Joly dans un article intitulé
"Défendre la retraite par répartition" où elle affirme : "le
système de retraite par répartition repose sur la solidarité, notamment sur la
solidarité entre générations".
Dans l'autre camp, Eric Woerth ministre du travail, de la solidarité et de la
fonction publique ne craint pas d'ériger la retraite par répartition en
principe inamovible : "Ne nous trompons pas, le dogme c’est le régime par
répartition, le dogme c’est la solidarité entre les générations, c’est comme ça
qu’est construit notre système de retraite, c’est ça qu’il faut
sauvegarder".
De l'extrême droite à l'extrême gauche tout le monde prétend donc "défendre"
une répartition qui n'est attaquée par... personne. Dans ce
débat, on le sent bien l'affect a remplacé la raison. Il n'y a pas de place
pour le débat d'idées. Tous ceux qui voudraient défendre la capitalisation sont
d'avance traités d'égoïstes puisque la répartition est le mode
"solidaire".
On peut légitimement se demander ce qui motive ce rejet passionnel de l'épargne
personnelle qui est un mode de financement des retraites adopté, au moins
partiellement, par de nombreux pays. Avant d'apporter des éléments de réponse à
cette question, trois points méritent notre attention.
Première remarque, la retraite par répartition n'est évidemment pas plus
"solidaire" que la retraite par capitalisation. Quand dans notre système on
cotise toute sa vie pour payer les pensions des retraités, on ne le fait pas
par solidarité mais par calcul en espérant se voir financer sa propre retraite
par le même système. Dans les deux cas on paye son inactivité future avec une
partie des fruits de son travail présent. Qualifier la retraite par répartition
de "solidaire" est donc une tromperie voire une véritable escroquerie
intellectuelle.
Deuxième remarque importante, notre modèle actuel de financement des retraites
n'est pas une vraie retraite par répartition. La vraie répartition ne
peut connaître de déficit. Les montants cotisés par les actifs sont répartis
entre tous les retraités au prorata des points accumulés. Dans un tel système,
si le montant des cotisations diminue, les retraités voient leurs allocations
baisser. Si le modèle par répartition était appliqué, les pensions des
retraités auraient du diminuer depuis longtemps.
Le modèle français qui répétons-le, n'est pas une retraite par répartition,
consiste à garantir des allocations fixes ou même croissantes alors que le
ratio entre le nombre des cotisants et le nombre des pensionnés diminue
fortement. L'équilibre de ce système est assuré par des revenus autres que ceux
du travail ce qui est aberrant. Ainsi la taxation des revenus du capital pour
financer les retraites, préconisée par la droite et la gauche à des degrés
divers, est un modèle d'incohérence et de démagogie. Pourquoi ne pas aussi
taxer la baguette, l'eau ou les ordinateurs ? Si l'on est honnête et
conséquent on admettra que seuls les revenus du travail doivent financer les
retraites.
Troisième remarque le système par répartition est probablement l'un des plus
injuste que l'on puisse humainement imaginer au regard de l'inégalité
fondamentale que constitue la disparité des durées de vie. Celle ou celui qui
meurt avant l'age de sa retraite aura cotisé toute sa vie pour rien.
Il ne pourra pas laisser un patrimoine à ses enfants comme le permet la
retraite par épargne personnelle. Pour ceux qui meurent jeunes la retraite par
répartition revient à une double peine car ils sont en plus pénalisés
financièrement dans la transmission d'un patrimoine. Les ouvriers ont une
espérance de vie plus faible que les cadres, pourtant la gauche défend ce
système dans lequel ceux qui meurent jeunes payent pour ceux qui meurent
vieux.
Alors pourquoi la droite et la gauche défendent-ils bec et ongle cette doctrine
? Pour la gauche c'est évident, la retraite par répartition à une fonction
redistributrice. Leur clientèle électorale espère tout simplement
récupérer plus qu'elle n'a cotisé. On est évidemment loin de la
"solidarité" citée plus haut. Il s'agit en fait d'une foire d'empoigne où
chacun essaye de gruger l'autre en quémandant des avantages auprès de l'Etat.
Les régimes spéciaux des fonctionnaires sont un bel exemple de ce que le
système peut produire. Mais il n'y a pas qu'eux, chaque métier à travers sa
représentation professionnelle tente d'influer sur le pouvoir pour obtenir des
avantages au détriment des autres. La redistribution opérée par les dirigistes
(socialistes et gaullistes) est antidémocratique car elle favorise les plus
violents et les plus influents. Elle évite soigneusement de comptabiliser qui
profite de quoi. La retraite par répartition à la française confirme le célèbre
adage de Bastiat : L'Etat c'est la grande fiction à travers laquelle tout
le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde.
A ce point, disons le tout net, la gauche libérale n'a rien à priori contre une
forme de redistribution. D'ailleurs l'allocation universelle ou revenu de
liberté que nous préconisons en est une forme pratique. Cette ingénierie
sociale, qu'il serait malhonnête d'appeler de la solidarité puisqu'elle relève
de la coercition, nous parait nécessaire pour de multiples raisons. Mais la
grande différence entre cet offset (décalage) social et la méthode
socialo-gaulliste c'est l'absence de clientélisme et la transparence dans le
montant des aides reçues. Mélanger l'aide sociale à la retraite c'est
encourager l'opacité financière dont se nourrissent les dirigistes.
Une question demeure pourquoi la droite défend-elle aussi le système par
répartition ? A cela plusieurs réponses. La clientèle électorale de la droite
est plus âgée que celle de la gauche. Remettre en cause, même partiellement le
système existant pourrait inquiéter cet électorat. De plus nous l'avons vu plus
haut, le système profite clairement à ceux qui meurent vieux donc aux cadres,
médecins, etc.. Enfin dernière et principale raison, les cotisations versées au
titre d'une épargne personnelle, gérées par des fonds de pensions, seraient
beaucoup plus difficiles à dégrever socialement. Or le dégrèvement "incitatif"
qu'il soit fiscal ou social est l'un des grands moyens inventés par la droite
pour "piloter" l'économie. Sans charges ou impôts élevés, impossible pour les
dirigeants de droite, ces fonctionnaires qui se prennent pour les chefs de
l'Entreprise France, d'administrer l'économie comme ils l'entendent, et avec le
succès que l'on sait.
Retraites, le tabou de la capitalisation
Un des traits marquant de la controverse sur les retraites, réside dans
l'absence totale de débat sur l'option de la retraite par épargne
personnelle. En effet, les deux grands partis dirigistes de droite et de
gauche, au pouvoir depuis 60 ans, sont tous deux de fervents partisans de la
retraite dite "par répartition".
1 De ak -
Je suis plutôt libéral dans la mouvance socialiste. En lisant votre article, j'aurais un certain nombre de remarques à faire. Je vais me limiter à quelques-unes.
Tout d'abord, je suis d'accord qu'un système par répartition ne devrait pas avoir de déficits structurels. Mais il y a plusieurs choix pour y arriver. Notamment il est aussi possible d'ajuster les prélèvements en fonction des prestations choisies (politiquement). Ici le choix droite-gauche est clairement différent. Et il semblerait que votre choix soit uniquement la baisse des pensions.
Ensuite, il serait beaucoup plus clair si le système de retraites ne s'occupait qu'uniquement de fournir un revenu après la cession d'activité. Le mélange avec des objectifs de "solidarité" étant source de frustration et sentiment d'injustice (si ce n'est plus). C'est pourquoi je préfèrerais un système à prestation définie. (On sait combien on cotise, on peut calculer combien on touchera.)
Par rapport à la capitalisation, il ne me paraît pas être une bonne idée qu'elle soit gérée par un quelconque organisme plus ou moins centralisé. Laissons les gens pouvoir capitaliser en plus s'ils le veulent. Ce n'est pas interdit mais il n'y a pas de véritable cadre du type fond de pensions.
Cependant en attendant un revenu universel, le système de retraite actuel permet de réduire la misère chez les seniors.
Merci de votre attention
2 De alcodu -
Ravi de voir qu'il y a encore des socialistes qui n'ont pas peur du mot libéral et qui ne le cantonnent pas à la sphère politique comme delanoë. L'espèce est rare, surtout après la crise...
3 De alcodu -
Article paru sur Agoravox et repris par Yahoo actualité.
4 De tetatutelle -
"Par rapport à la capitalisation, il ne me paraît pas être une bonne idée qu'elle soit gérée par un quelconque organisme plus ou moins centralisé."
Et bien moi si, c'est "dans le programme d'Alternative Libérale" et j'approuve ! Parce que justement il y adjoint "la gestion par un organisme centralisé", ce qui a l'avantage de maintenir "l'obligation pour tous de cotiser" (c'est à dire "la solidarité"), "y compris dans le système par capitalisation : c'est fabuleux !
5 De ak -
Que veux-tu dire par "solidarité"? Je pense qu'une idée de l'article est de dire qu'il faut arrêter de tout mélanger.
Donc, la retraite quelque soit sa forme doit être en adéquation avec sa participation(contribution sur salaire). Et qu'il faut mieux prévoir des mécanismes de solidarité extérieur afin de garantir lisibilité et honnêteté.
6 De alcodu -
Merci ak pour cette lecture attentive de l'article.
Je reviens sur votre premier commentaire, que voulez vous dire au juste par un "système à prestation définie" ?
7 De ak -
Système à prestation définie signifie que le cotisant connait le jour de sa cotisation comment sera défini son revenu de remplacement lors de sa retraite.
Dans la retraite par répartition, les actifs devront honorer cet engagement.
Dans la retraite par capitalisation, ce sont les fonds de pensions qui couvrent les engagements. Il faut aussi donc couvrir leurs faillites, d'où le cadre nécessaire.
8 De Bastiat -
A noter, pour le clin d'oeil, que ceux qui défendent le plus "la retraite par répartition" et la "solidarité" sont généralement des salariés du secteur public dont, au plan technique, la retraite ne fonctionne absolument pas en régime par répartition puisque ce sont les contribuables qui financent intégralement leurs retraites (comme leurs traitements en période active). c'est la raison pour laquelle le maintien pour ces salariés d'avantages spécifiques est rendu possible alors que les salariés et travailleurs non salariés sont contraints à assurer l'équilibre financier de leurs régimes.
Deux poids deux mesures, c'est choquant s’agissant de "solidarité"