David Poryngier votera « Gauche Libérale »

Pourquoi je soutiens « Gauche Libérale »

Quand Edouard m’a proposé il y a deux ans de fonder à ses côtés Alternative Libérale et de prendre en main la communication du parti, il était clair que nous n’allions pas créer un nouveau parti de droite sur le modèle de Démocratie Libérale. Au contraire, il s’agissait de tirer les leçons des impasses du passé et de fonder un mouvement d’un type nouveau, déterminé à transformer l’image que les Français se font du libéralisme.

J’avais adhéré un an plus tôt à Liberté Chérie, après avoir entendu Sabine sur une radio refuser le qualificatif de droite, saluer Bernard Kouchner et revendiquer la présence dans l’association de libéraux de gauche. C’est la première fois que j’entendais cette expression en France. Ayant un temps pensé m’engager, sans trop d’illusion, auprès des radicaux de gauche, c’est avec enthousiasme que je pris ma carte à LC et fit la connaissance de ce couple incroyable.

Mais cet enthousiasme devait être bientôt mis en difficulté. Ma déception fut grande devant le poujadisme et le simplisme de nombreux adhérents de Liberté Chérie, plus soucieux de casser du syndicaliste et de supprimer l’ISF que de libertés individuelles et de démocratie. Participant à une campagne téléphonique pour inviter les militants à participer à une manifestation anticastriste, je compris qu’il ne devait pas y avoir beaucoup de libéraux authentiques dans les fichiers de l’association, en tout cas fort peu qui se souciaient de la liberté des cubains. Enfin, la rencontre de plusieurs militants du FN lors de manifestations de Liberté Chérie vint à bout de ce qu’il restait de mon enthousiasme initial.

Je n’ai jamais tu mon étonnement et ma réprobation devant ces dérives, appelant sans relâche à une évolution du positionnement de l’association afin qu’elle revienne à ses principes fondateurs. C’est sur cette base qu’Edouard me proposa de participer à l’aventure AL et que je rendis ma carte à LC.

Deux ans de travail et un échec électoral plus tard, la tentation est forte pour certains de remettre en cause l’approche originale imaginée par les fondateurs, quitte à jeter le bébé avec l’eau du bain.

Ainsi, nous nous serions trop éloignés de la ligne « historique » du madelinisme, défendue par les associations libérales « historiques », nous aurions déstabilisé notre « électorat naturel » en prenant des positions radicales sur les libertés individuelles, nous aurions cédé à la social-démocratie en préférant Bayrou à Sarkozy, ou en ne succombant pas à l’anti-syndicalisme pavlovien.

Et tout ça, nous l’aurions fait dans l’espoir vain de parler à des électeurs fantômes, dont il serait acquit qu’ils ne sont pas libéraux, j’ai nommé les jeunes urbains.

Pourtant, la nouvelle génération des villes, qu’on appelle un peu vite bobos, est pétrie de valeurs humanistes, d’antiracisme, d’internationalisme, des lumières démocratiques de 1789 et de l’esprit libertaire hérité de mai 68. S’ils votent à gauche, c’est par générosité ou au nom de leurs libertés, certainement pas pour nationaliser les entreprises ou contester le libre-échange.

Ils savent l’impasse du socialisme, sont nés avec Internet et l’Europe sans frontières, n’ont jamais été syndiqués et ne connaissent du marxisme que l’effigie pop du « Che ». Leur boulot, c’est les stages payés au lance-pierre et un CDI au SMIC pour meilleur horizon. Ils ne misent pas un kopek sur leurs chances de toucher une retraite, sont lassés des contrôles d’identité à répétition et réfléchissent à s’exiler à Londres, Prague ou Barcelone, quelque part où « ça bouge ».

La droite pour eux, c’est le flicage généralisé, l’autoritarisme, le soupçon du racisme, la concentration des pouvoirs, le mépris des pauvres, les marchés truqués, les intérêts des banques et des magnats de l’industrie contre ceux des jeunes entrepreneurs, des chômeurs et des populations du tiers-monde.

De Madelin, ils ont retenu l’engagement de jeunesse à l’extrême-droite et la surenchère sécuritaire de ses campagnes électorales, pas ses propositions économiques. Ils sont surpris quand on leur dit qu’il fustige le « capitalisme de connivence », qu’il est anti-prohibitionniste au nom d’un « libéralisme cohérent » ou qu’il a déclaré « si j’étais plus jeune je créerais un parti libéral de gauche ».

Voilà pourquoi nos bobos ont massivement voté pour François Bayrou aux dernières présidentielles, quand ils n’ont pas choisi Besancenot parce qu’il était le seul à se prononcer pour la légalisation du cannabis ou pour défendre les droits fondamentaux des sans-papiers ou des prisonniers.

Aujourd’hui je m’oppose à ceux qui veulent lisser le discours d’Alternative Libérale et mettre de côté tout ce qui a fait notre originalité, donc notre force, de la défense des droits civiques au revenu de liberté, en passant par le fédéralisme européen. Quelques-uns, qui trouvent de Villiers parfaitement fréquentable, voudraient même revenir sur le droit des femmes à disposer de leurs ventres.

La liste « Gauche Libérale » ne remet pas en cause le programme et le positionnement d’Alternative Libérale. Au contraire, je pense qu’elle est le garant de sa continuité et la meilleure façon d’endiguer toute dérive droitière ou passéiste dans les prochains mois.

Au modèle DL, elle oppose celui du FDP allemand ou du D66 hollandais, qui ont su faire des libertés individuelles et de la défense des principes démocratiques le socle d’un mouvement pérenne. A la référence madeliniste, elle oppose l’héritage de Bastiat, de Montesquieu et même de Hayek qui s’étonnait en son temps de voir le camp progressiste rejoindre les conservateurs, dont il n’attendait rien, dans l’antilibéralisme.

Sachant que la liste ne compte que huit candidats, voter pour la Gauche Libérale au Conseil National, c’est tout simplement garantir l’équilibre des sensibilités dans le parti et le maintien d’une ligne authentique, défiant autant la droite conservatrice et pseudo-réformatrice que la gauche socialiste.

Je ne souhaite pas qu’Alternative Libérale s’appelle demain Gauche Libérale, et je ne défendrai pas plus un accord avec le Parti Socialiste qu’avec l’UMP. Je souhaite seulement que notre mouvement ne perde pas son âme et que nous arrivions à poser les bases dans notre pays d’un renouveau libéral, libertaire et démocratique, que redoute plus que tout la droite au pouvoir.

Si je suis élu au Bureau sur la liste d’unité des Libéraux Authentiques, je plaiderai inlassablement dans ce sens, aux côtés d’Edouard, comme je l’ai fait depuis le premier jour de mon engagement.

Et si d’aventure la liste menée par Saïd créait la surprise en remportant l’élection au Bureau, je ne doute pas qu’elle saura rassembler largement autour d’elle toutes les sensibilités au sein d’AL qui se réclament d’un libéralisme authentique et indépendant, ni socialiste, ni conservateur.

Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.

David Poryngier

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