Y aurait-il des centrales nucléaires sans intervention de l'État ?

L'accident de Fukushima, le troisième depuis l'avènement de ce nouveau mode de production de l'énergie, conduit naturellement les dirigistes à se poser la question de la pertinence de son exploitation. On voit ainsi fleurir les demandes démagogiques de "débat démocratique", voire de référendum sur le sujet.
Or une consultation de ce type n'aurait bien évidemment rien de démocratique, elle deviendrait immédiatement le prétexte à un déchaînement de passions et de peurs irraisonnées orchestrées par le lobby écologiste. Vouloir un débat "raisonné" sur le sujet relève de la mauvaise foi ou de la plus parfaite naïveté. Le résultat de la consultation est connu d'avance il reviendrait à une interdiction du nucléaire par une majorité contre une minorité, nouvelle manifestation de la dictature du plus grand nombre ou des médias (ce qui revient au même) qui empoisonne nos sociétés. Les écologistes le savent bien et se sont rués sur le sujet.
Ayant déjà oublié la catastrophe écologique qui a fait vingt sept mille morts au Japon, ils exigent un débat sur le nucléaire dont ils connaissent assurément l'issue.

En moins de dix ans les tsunamis et tremblements de terre ont fait plus de cinq cent mille victimes dans le monde sans que l'écologisme se préoccupe le moins du monde des mesures à prendre pour s'en protéger. L'extraction des énergies fossiles provoque des dizaines de milliers de victimes par an dans la plus parfaite indifférence des écologistes et des pouvoirs publics. Aucun débat sur les dangers des raz-de-marées ou des tremblements de terre et aucun "moratoire sur l'extraction de la houille" n'est proposé ou même évoqué par l'écologisme.

Ceci étant exprimé, c'est la question même d'un débat sur le nucléaire qui est absurde et hors sujet dans le contexte d'une société ouverte. Un tel débat n'aurait pas plus de pertinence en période calme que durant les moments de crise que nous vivons aujourd'hui. C'est le piège idéologique classique du dirigisme à travers lequel "l'Opinion" est invitée à donner, à travers des institutions "démocratiques", une réponse unique et globale à un problème. La méthode dirigiste a tellement contaminé les esprits qu'elle parait évidente : une difficulté, un accident, un obstacle ? vite, des lois, des interdictions, des règlementations votées par la Majorité, donc légitimes. Et plus le problème semble important ou urgent, plus la méthode semble justifiée.

Dans un contexte libéral c'est plutôt la question des responsabilités et du cadre de développement de toutes les industries  potentiellement dangereuses qu'il faut examiner et revoir. Pour cela  il faut répondre à deux questions fondamentales :

1) Y aurait-il des centrales nucléaires sans les États-nations ? Ne sont-ils pas plutôt les grands ordonnateurs  de ces projets pharaoniques dont la rentabilité et les modes de gestion sont pour le moins opaques et inextricablement liés au pouvoir ?

2) Y aurait-il des centrales nucléaires privées si les États-nations n'avaient pas inventé la "responsabilité limitée" qui permet aux actionnaires d'investir dans un secteur sans être responsable des dommages causés au delà du montant de leurs apports et aux dirigeants de ne pas être  poursuivis ?

A l'origine, la recherche et le développement sur le nucléaire ont été financés pour une part non négligeable par des budgets militaires. Même dans le domaine du nucléaire purement civil, la recherche fondamentale a été alimentée par des fonds publics qu'il est extrêmement difficile de quantifier. Si la fusion nucléaire aboutit un jour à une production industrielle, comment seront comptabilisés et imputés les frais titanesques induits par Iter et qui acceptera de les rembourser ? Les programmes nucléaires ont toujours été planifiés et décidés par l'État. Les sites d'installation sont imposés sans consultation locale ni dédommagement des populations. Pendant longtemps les organismes de contrôle du nucléaire sont restés sous étroite dépendance des gouvernements, confidentialité et patriotisme économique obligent. L'accident de Tchernobyl, du à l'incroyable laxisme de l'administration communiste apporte la preuve, s'il en était besoin que l'exploitant ne doit pas être lié aux organismes de contrôle. L'État juge et partie est absolument incapable de prendre des décisions liées à la dangerosité de ce qu'il a lui-même financé et dont il tire revenus et prestige.

Reste que même si les entreprises nécessitant de gros investissements ne recevaient aucune aide ni aucun subside de l'État, tôt ou tard des industries comme le nucléaire verraient le jour. Car contrairement à ce que prétendent les étatistes eux-mêmes, le marché est parfaitement capable d'investir à long terme ou à très long terme. Le problème réapparaîtrait avec des opérateurs pseudo-privés bénéficiant d'autorisations d'exploitation accordées par l'État mais toujours aussi irresponsables car protégés par la responsabilité limitée.

Or c'est encore une fois le droit positif, donc l'État qui a inventé la responsabilité limitée. Si les actionnaires et les dirigeants de Tepco étaient intégralement responsables des dommages causés par leur placement, auraient-ils investi dans ce secteur au risque de perdre tous leurs biens, maisons, épargne et de rembourser les éventuelles victimes jusqu'à la fin de leur vie ? On peut raisonnablement en douter. On peut en tout cas parier que le marché, intégralement responsabilisé, se chargerait d'exiger des garanties bien supérieures à celles apportées par les soi-disant contrôles de l'État. Avant d'accepter d'assurer une centrale nucléaire pour l'intégralité des dommages qu'elle peut causer, retraitement des déchets et démantèlement compris, les compagnies d'assurance exigeront des renforcements de sécurité drastiques ou refuseront le contrat. Y aurait-il des centrales nucléaire dans la cadre d'une responsabilité illimitée ?  Il n'y a pas de réponse simpliste ou immuable à cette question. Le choix dépend du coût réel des autres énergies, celui qui intègre tous les risques et dommages causés à l'environnement, sans aides ni subventions.

Plutôt que d'organiser de grotesques "référendum sur le nucléaire", Gauche Libérale recommande de transférer la responsabilité des dommages inhérents aux industries à risque sur ceux qui accepteront librement d'en assumer l'intégralité des charges.
La forme de société qui se prête le mieux aux activités dangereuses est la commandite par actions, dans laquelle les commandités sont indéfiniment et solidairement responsables sur leurs biens. Il est certainement possible de trouver une meilleure formule en augmentant les strates entre les niveaux d'investissement et de responsabilité. Le chantier est ouvert.
Deux formes de "sociétés" doivent être exclues lorsqu'il s'agit de gérer des activités à risque. Tout d'abord l'État, qui est une forme de société consubstantiellement liée à l'irresponsabilité - les hommes de l'État ne sont jamais rendus responsables des dégâts qu'ils commettent - Ensuite toutes les formes de sociétés à responsabilité limitée, dont la société anonyme, qui sont statutairement irresponsables.

Appeler à un référendum sur le nucléaire c'est tomber en plein dans la panneau tendu par la  schizophrénie étatique qui d'un côté organise sciemment une irresponsabilité presque totale et de l'autre prétend règlementer ou interdire les activités à risque pour accroître son pouvoir et ses prérogatives.

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