Gauche libérale - Mot-clé - brevetValeurs libérales classiques de la gauche originelle. Droits de l'homme - liberté - laïcité - raison2024-03-01T19:42:20+01:00association gauche libéraleurn:md5:c8a69c990e3072db2745e87b929cd340DotclearFrance Brevets entre innovation et protectionnismeurn:md5:68ece86d4ca55bc7279fab4c7d9872aa2014-01-08T00:32:00+01:002019-10-30T10:17:19+01:00Alain Cohen-DumouchelActualitébrevetEtatFrance brevetinnovationpatent poolspropriété intellectuelle<p><img title="guerre des brevets, janv. 2014" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;" alt="" src="https://www.gaucheliberale.org/public/images/steam-by-ellenm1.jpg" />Alors que Barack Obama vient de faire
une proposition de loi au Sénat américain pour limiter le phénomène du "patent
trolling", on voit émerger un nouveau phénomène mondial : le patent trolling
d’État. En France, celui-ci a fait son apparition il y a quelques années au
travers de la création de France Brevets et il vient tout juste de montrer des
signes d'activité. En effet, on apprenait récemment que France Brevets attaque
LG et HTC pour contrefaçon de brevets portant sur les technologies de
communication sans contact NFC. Une première qui était tout à fait
prévisible.</p>
<h6 style="text-align: right"><a href="http://www.flickr.com/photos/ellenm1/4279851821/sizes/n/in/photolist-7wcmQD-hmeSZK-hme1M1-77f56v-96CN6Z-djcCbF-gkvJ8v-cZsRKC-bzGYJD-miZWe-aCzTiE-cXiCxW-hCWV1n-hCXhN9-dBnnay-L3ubz-6Tn3nz/">
photo licence cc by ellenm1</a></h6> <h3 style="border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
<strong>France Brevets : un Patent Pool made-in France</strong></h3>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
<a href="http://www.francebrevets.com/fr/qui-sommes-nous">France Brevet</a>s
est un fond d'investissement en propriété industrielle mis en place par les
pouvoirs publics. Il est une des émanations du "<ins><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/grand_emprunt_de_la_france_en_2010">grand
emprunt</a></ins>" élaboré en 2009 par le gouvernement Fillon sous l'impulsion
de Nicolas Sarkozy. L'idée était encore à l'époque de "relancer" l'économie en
s'endettant, en l’occurrence de 35 Mds €. Comme ce type de mesure est devenu un
peu moins glamour depuis la crise des dettes souveraines, le grand emprunt a
été prudemment rebaptisé "Investissement d'avenir".</p>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
C'est dans ce contexte que la <ins>convention du 2 septembre 2010 entre l'Etat,
l'Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts et consignations
relative au programme d'investissements d'avenir</ins> fixe le rôle de France
Brevets :</p>
<blockquote>
<p>France Brevets acquiert des droits de licence sur les brevets auprès des
établissements et organismes de recherche et des entreprises privées, situés en
France ou à l'étranger. Son but est de constituer un large portefeuille de
droits de propriété intellectuelle, de les valoriser en les réunissant en
grappes technologiques et d'organiser leur commercialisation sous forme de
licences auprès des entreprises européennes et mondiales. Les redevances tirées
de ces licences sont reversées pour partie aux propriétaires du brevet, après
rémunération des fonds propres engagés par France Brevets.</p>
</blockquote>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
En clair France Brevets utilise la technique des "Patent Pools" née aux
États-Unis. Il s'agit d'acheter des droits de licence de brevets, de les réunir
au sein d'une grappe (pool) de façon à constituer un point de passage obligé
pour la concurrence dans une technologie donnée .</p>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
Dans cette optique "valoriser" les brevets consiste, d'une part à détenir
suffisamment de brevets dans un domaine pour bloquer les adversaires innovants,
d'autre part à atteindre une masse critique permettant de surveiller
efficacement le marché. Les "contrefacteurs", c'est à dire bien souvent des
sociétés innovantes isolées, se voient sommer de payer pour éviter de couteux
procès. La technique des grappes de brevets permet également de vendre
plusieurs patentes dans un lot unique ; alors qu'un industriel n'aura besoin
que d'un ou deux brevets, il est obligé d'acheter le lot complet. Vu sous cet
angle les grappes technologiques s'apparentent à de la vente forcée.</p>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
Le phénomène a été clairement identifié aux États-Unis où les Patent Pools font
le bonheur des cabinets d'avocats et inquiètent les vrais promoteurs de
l'innovation</p>
<h3 style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
<strong>Une dérive prévisible ?</strong></h3>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
Les américains avaient pourtant pris des précautions avant d'autoriser ces
pratiques. Les Patent Pools constituent en effet des ententes entre sociétés,
totalement interdites par la loi US. Chaque Patent Pool est une société privée
qui doit obtenir une dérogation spécifique du DOJ (Department of justice) en
s'engageant notamment à respecter quatre directives : les brevets doivent être
valides et exécutoires, le consortium ne doit pas agréger des technologies
concurrentielles et leur fixer un prix global, un expert indépendant doit
déterminer si les brevets sont essentiels, le consortium ne doit pas
désavantager les concurrents ou faciliter les collusions.</p>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
Malgré cela il semble que le législateur n'a pas prévu de pénaliser
suffisamment sévèrement les Patent Pools qui violent ces dispositions.</p>
<h3 style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
<strong>Une absence totale de garde-fou</strong></h3>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
Chez nous, rien n'a été envisagé à ce sujet. France Brevets est une société
entièrement détenue par l'État suivant une formule qui peut prêter à sourire.
En effet, la dotation au capital de France Brevets (à terme 100 M €) s'est
faite "à parité entre la Caisse des dépôts agissant pour son propre compte et
la Caisse des dépôts agissant pour le compte de l’État" (sic). Nous sommes en
France : les problèmes liés à l'innovation doivent évidemment être traités par
les pouvoirs publics.</p>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
France Brevets pose donc de nombreux problèmes :</p>
<ul>
<li>Aucun des garde-fous prévus par le droit américain n'a été mis en place en
vertu de cette croyance, solidement ancrée, qu'un établissement détenu par
l'État est forcément vertueux.</li>
</ul>
<ul>
<li>Il n'existe pas de charte déontologique vis à vis des entreprises,
notamment françaises, désireuses d'obtenir une licence d'exploitation d'un pool
de brevets.</li>
</ul>
<ul>
<li>L’État pour, la énième fois, se charge de désigner les secteurs
technologique d'avenir (dont il exclut l'automobile, le rail,
l'agroalimentaire, les énergies fossiles). Est-ce vraiment sa fonction ?</li>
</ul>
<ul>
<li>L'appellation "France Brevets" est pour le moins étrange. Elle suggère que
des brevets exploités en toute indépendance par des entreprises privées
n'auraient pas le statut de brevets nationaux, qu'ils seraient en quelque sorte
moins « officiels".</li>
</ul>
<ul>
<li>En affirmant ses brevets contre des contrefacteurs présumés sans les
utiliser pour innover ou améliorer des technologies existantes, France Brevets
risque d'être identifié à un "patent troll", concept qui a causé de tels
problèmes aux États-Unis que onze projets de loi au Congrès américain
visent à corriger ses effets.</li>
</ul>
<ul>
<li>Enfin, France Brevets, organisme d’État, peut devenir une espèce de
syndicat souverain des brevets avec lequel les PME innovantes devront
obligatoirement composer pour espérer valoriser leur recherche.</li>
</ul>
<p style=" border: none; widows: 0; orphans: 0" lang="fr-FR">
France Brevets n'avait <ins><a href="http://www.societe.com/bilan/france-brevets/531129195201212311.html">pas de
recette</a></ins> et paraissait jusqu'à présent relativement inoffensif
(excepté pour le contribuable). Tant que sa mission consistait à valoriser les
brevets issus de la recherche publique auprès d'acteurs industriels (cas du
système Taïwanais) on aurait pu en espérer des effets positifs ; mais comme on
le voit, l'ambition des pouvoirs publics ne se limite pas à cela. Avec ces
premières poursuites contre LG et HTC on assiste, avec peu de moyens, dans un
tissu industriel dégradé et avec un investissement complètement atone, à la
naissance d'un patent trolling national défensif, pour ne pas dire
protectionniste.</p>« Patent Pools » les trolls du brevet menacent l'innovationurn:md5:577862516a6ea0afb6215f8fb2253a862013-06-21T23:47:00+02:002019-10-30T10:18:07+01:00Alain Cohen-DumouchelActualitébrevetinnovationpatent poolsstart uptroll<p><img title="Brevet invalide, juin 2013" alt="" src="https://www.gaucheliberale.org/public/images/.invalid-patent_m.jpg" /><br />
<br />
Le sujet fait couler beaucoup d’encre aux États Unis, les « Patent
Pools », qualifiés de trolls par certains médias américains,
constituent-ils une menace pour l’innovation et pour le porte-monnaie des
consommateurs ?</p>
<p>Les Patent Pools sont des consortium de brevets, c’est à dire des entités à
but lucratif qui se chargent de regrouper et de gérer des brevets venant de
plusieurs sociétés. C’est une sur-couche au modèle des brevets qui, au départ,
devait favoriser l’innovation et faire baisser les prix pour les consommateurs.
Il s’agit pour des sociétés de confier leurs brevets, gravitant autour d’une
technologie donnée, à une entité spécialisée chargée de les gérer, c’est à dire
de récolter les royalties, d’organiser la veille technologique, et de
mutualiser les éventuelles actions en justice. En faisant baisser les coûts
extrêmement élevés de la gestion individuelle des brevets, les organisateurs de
ces ententes prétendaient favoriser le consommateur et permettre à de nouveaux
entrants d’accéder à leurs services donc, favoriser la valorisation de la
recherche.</p> <br />
<h2>Des centaines des brevets pour chaque smartphone</h2>
<p>Les produits grands publics utilisent parfois plusieurs centaines de brevets
qui, bien évidemment, se retrouvent dans le prix final du produit. L’idée de
départ était donc de donner aux fabricants une porte d’entrée unique pour une
technique donnée. Le fabricant achetait un panier de licences sans avoir à
négocier de multiples contrats avec de multiples interlocuteurs, et diminuait
son risque juridique d’enfreindre un brevet particulier dans le domaine
concerné.<br />
C’est ainsi que les promoteurs de cette technique ont présenté les choses au
DOJ (département de justice) américain. En effet comme toute entente, les
patent pools sont théoriquement interdits par les lois américaines. Chaque
Patent Pool doit donc obtenir une dérogation spécifique et doit s’engager à
suivre une charte établie en commun avec la justice. Quatre directives doivent
être respectées :</p>
<ul>
<li>
<p>Les brevets doivent être valides et exécutoires ;</p>
</li>
<li>Le consortium ne doit pas agréger des technologies concurrentielles et leur
fixer un prix global.</li>
<li>Un expert indépendant doit déterminer si les brevets sont essentiels</li>
<li>Le consortium ne doit pas désavantager les concurrents ou faciliter les
collusions.</li>
</ul>
<br />
<h2>L’affaire MPEG LA</h2>
<p>Mais rapidement les Patent Pools constitués se sont écartés de ces
directives et des buts initialement poursuivis.<br />
L’exemple qui suscite la plus importante polémique est celui de MPEG LA
(acronyme de Motion Picture Expert Group et de Licensing Administrator), le
consortium de brevets constitué en 1996 autour des techniques de
compression audio et vidéo. Son statut de Patent pool lui a été accordé par le
DOJ malgré des réserves importantes des experts et savants qui y voyaient un
énorme potentiel anticoncurrentiel.<br />
Aujourd’hui les médias américains se font le relais de la polémique et des
conflits générés par ce pool. MPEG LA est accusé de bloquer l’innovation, de
facturer des royalties élevées pour des brevets qui sont proches ou même au
delà de leur période d’expiration. Le consortium est aussi accusé d’avoir fait
évoluer sa politique de licence sans la supervision d’experts indépendants. Le
plus incroyable est que MPEG LA a été jusqu’à contester des innovations venant
de certains de ses membres. Ainsi Google, développeur et soutien du format
multimédia WebM a-t-il subi les menaces de MPEG LA car le WebM utilise les
formats libres VP8 pour la vidéo et Vorbis pour le son, en concurrence
avec le format propriétaire H264 de MPEG LA.</p>
<br />
<h2>Blocage de l’innovation et royalties indues</h2>
<p>D’une manière générale les Patent Pools sont en train de déraper gravement
et sont accusés de plusieurs maux que l’on peut résumer ainsi :<br />
L’impossibilité pour de nouveaux entrants, principalement des startup
innovantes ou des compagnies issues des pays émergents, de pénétrer le marché
et d’innover à leur tour car les Patent Pools ne licencient pas leurs brevets à
des conditions « honnêtes, raisonnables et non discriminatoires »
(FRAND terms : fair, reasonable and non-discriminatory terms).<br />
Un abus de position dominante. Les Patent Pools sont si puissants qu’ils
peuvent facilement intimider n’importe quelle société innovante et lui
interdire l’exploitation d’une invention sous la simple menace d’un
interminable et couteux procès.<br />
Des pratiques de vente liée - les fabricants sont obligés d’acheter des
licences pour des packs de brevets dont certains n’ont pas de rapport avec les
techniques qu’ils exploitent.<br />
Une non dégressivité des prix. Les licences pour des packs de brevets ne
tiennent pas compte de la baisse de prix qui accompagne normalement la fin de
vie d’un brevet.</p>
<br />
<h2>Quand la réglementation crée des monopoles, donc du désordre</h2>
<p>Je m’empresse de préciser que les notions d’abus de position dominante et de
vente liée sont des infractions totalement fictives dans un marché libre,
puisque ces pratiques facilitent l’entrée de nouveaux concurrents. Mais les
brevets ne sont pas des produits comme les autres attendu qu’ils sont, par
définition, des monopoles garantis par la coercition étatique. Le fait pour un
pool de surfacturer un brevet ou de le lier à un autre ne permettra donc pas à
des concurrents de vendre les mêmes brevets moins cher et séparément. Le seul
moyen de concurrencer le pool sera de développer des technologies totalement
alternatives, ce qui dans le domaine des télécoms ou des codecs vidéos demande
des moyens titanesques, et sans aucune garantie de ne pas se voir accuser
d’empiéter sur la supposée « propriété intellectuelle » d’un
tiers.</p>
<p>Cet invraisemblable sac de nœuds est donc bien la conséquence directe de la
réglementation actuelle. Face à cette situation il existe deux
alternatives : augmenter la réglementation, les contrôles et les
fonctionnaires qui vont avec, ou bien, constater l’échec et l’instabilité du
principe même des brevets et dérèglementer pour mieux réguler. C’est évidemment
la première solution que préconise Hosuk Lee-Makiyama, directeur de l’European
Centre for International Political Economy (Ecipe) ainsi que l’administration
européenne en général. De la même manière, aux États Unis des observateurs
redoutent que l’administration Obama utilise le comportement peu scrupuleux de
consortiums comme MPEG LA pour augmenter la législation et les contrôles.</p>
<p>Le plus drôle, ou le plus tragique dans cette affaire c’est que les
désordres liés aux patent pools viendront probablement renforcer l’idée que
l’administration fait du bon travail en combattant les ventes liées et l’abus
de position dominante, alors qu’elle est la source même du problème.</p>
<p>Une autre solution consisterait à réduire drastiquement la durée de validité
des brevets ce qui fragiliserait ces consortiums nuisibles. A la vitesse où
vont les développements et la technologie, dix ans de validité des brevets
seraient bien suffisant pour amortir des frais de recherche sans trop nuire à
la concurrence.</p>
<h6>(1) Google, pas seulement victime<br />
Google n'est d'ailleurs pas en reste, accusé de pratiques anticoncurrentielle
par la commission européenne à propos du procès que Motorola Mobility (détenu
par Google) a intenté à Apple en Allemagne. Motorola Mobility détient les «
standard essential patents » (SEPs) de téléphonie mobile qui sont
inextricablement liés au standard 3G.</h6>