La Burqa passionne les dirigistes

La classe politique française lance donc un "débat" sur l'opportunité d'interdire la Burqa, c'est à dire le voile intégral porté par certaines musulmanes. En réalité pour M. Copé, la cause est déjà entendue, il faut légiférer !

Après les prouesses législatives de M. Jean Claude Gayssot, dont la loi éponyme a établi un délit de contestation de crime contre l'humanité, voici une autre initiative communiste, celle de M. Gerin portant sur l'interdiction du voile intégral.

En interdisant la publication des thèses négationnistes dont l'argumentation, minable sur le plan scientifique, était très facilement réfutable, M. Gayssot a réussi à transformer ceux qui nient l'existence des chambres à gaz, en victimes de la censure aux yeux d'une bonne partie de l'opinion. Il leur a donné le caractère rebelle et maudit de l'interdit. Les Dieudonné et consorts, prospèrent donc sur ce terrain soigneusement labouré par les dirigistes.

Dans cette nouvelle offensive des forces du Bien, M. Gerin, se propose de combattre l'obscurantisme religieux ou la maltraitance faite aux femmes en interdisant une tenue vestimentaire censée la représenter. Un peu comme si pour combattre le communisme on interdisait le drapeau rouge.
L'idée est tellement stupide et contre-productive qu'on a peine à croire qu'une pareille tartufferie puisse un jour être discutée à l'assemblée.
Et pourtant ! ceux qui croient qu'une telle interdiction n’a aucune chance d’être appliquée, qu'elle sera censurée par le conseil constitutionnel ou par la cour européenne des Droits de l’Homme, se trompent lourdement.  Tous les Etats Européens interdisent la nudité sans que ces deux institutions y trouvent quoi que ce soit à redire. Certains maires interdisent même qu'on se promène en maillot de bain dans "leur" ville. Les prohibitionnistes pourront donc aisément démontrer qu'à partir du moment où les Etats peuvent interdire une tenue particulière (la nudité) sans contrevenir aux Droits de l'Homme, ils peuvent parfaitement en interdire une autre (l'habit intégral) puisque la liberté de se vêtir à sa guise n'est pas reconnue. Non, il ne faut espérer aucune réaction de la part de ces deux organismes dont une des fonctions essentielles consiste à cautionner la non-application par les Etats des vrais Droits de l'Homme.

En fait la volonté d'interdiction de la Burqa résulte tout simplement de l'application d'un grand principe dirigiste dont la subtile logique peut se résumer en ces termes : "ce truc me gêne, donc je l'interdis." Présentée de cette manière, l'argumentation dirigiste n'est certes pas très flatteuse, c'est pourquoi on assiste à des contorsions intellectuelles plus ou moins comiques de la part de ceux qui cherchent à justifier leur sentence d'interdiction.
Voici par exemple les "réflexions" des porte-paroles de deux associations, très différentes qui se prononcent toutes deux en faveur de cette nouvelle prohibition.

Tout d'abord Bernard Zimmern, sur le site de l'association conservatrice : IFRAP 2012, nous explique qu'il faut interdire la burqa au nom de la sécurité publique
Bernard Zimmern : Pour tous les terroristes qui veulent du mal à notre pays, la burqa est l'habit idéal car impossible de savoir qui s'y cache, un homme ou une femme. Et il est assez ample pour permettre de cacher une mitraillette et des grenades, sinon un fusil mitrailleur. [...]
la burqa doit être interdite en raison des dangers qu'elle entraîne pour l'ordre public et la protection contre le terrorisme.

Ne riez pas, c'est sérieux.
Bien entendu la djellaba, le poncho, la soutane du curé, l'habit de bonne soeur ou même le simple manteau ample,  ne sont pas mis en cause. Ils ne permettent pas de cacher des grenades, des explosifs ou une mitraillette. Seule la burqa s'y prête vraiment. C'est vraiment l'habit "idéal" du terroriste, avec son côté pratique - tirer à la mitraillette ou dégoupiller une grenade dans un sac grillagé avec un champ de vision de 30 degrés, et son côté discret  - se fondre dans la foule sans attirer l'attention du public ni celle des forces de l'ordre.

Difficile d'imaginer qu'un tel billet puisse convaincre qui que ce soit et pourtant les lecteurs du site semblent approuver massivement l'article de M. Zimmern . Il est vrai que, dans la rubrique "vos meilleurs commentaires" (sic), le brave homme censure tout ce qui n'abonde pas dans son sens (comme les sites d'extrême gauche).

Deuxième prise de position nettement moins comique, celle de l'association "laïque" : Le chevalier de La Barre.  Le site de l'association, plutôt fruste, se pare d'une belle bannière qui annonce : Association pour la promotion de la laïcité, la liberté de conscience et d'expression. Avec une telle devise on se demande bien comment il vont réussir à justifier l'interdiction de la Burqa, eh bien voici :

"Quoiqu’il en soit, nous constatons que le port de la burqa dissimule entièrement la femme. On ne peut ainsi la distinguer d’autrui, sauf à la remarquer.
La singularité que cette femme souhaiterait afficher dans la rue est usurpée puisque sa tenue est uniformément noire.
Le signe d’appartenance que cette femme voudrait promouvoir est falsifié puisque on ne peut la reconnaître dans son individualité sous ce vêtement.
La « publicité » qu’elle pourrait ainsi rechercher dans l’espace dit « public » a donc un caractère d’imposture.
Aussi cette dissimulation contrevient-elle gravement au principe de reconnaissance individuelle, principe que notre démocratie n’a cessé de cultiver afin de promouvoir la liberté de chacun et lui éviter d’être asservi à quelque autorité que ce soit sauf celle de la loi.
Cette pratique bafoue autant la liberté de conscience que la liberté d’expression.
Et elle marque une profonde régression du mouvement d’émancipation de la femme.
[...]
Pour ces raisons, l'association « Le Chevalier de La Barre » soutiendra avec la plus grande vigueur tout effort législatif visant à l’interdiction du port de la burqa (et du niqab) en France.

Ce fatras idéologique est une résurgence d'un jacobinisme primaire (un brin violent) qui affirme que rien ne doit exister entre l'individu et l'Etat. C'est au nom de ces grands principes que les jacobins ont interdit toutes les associations, qu'elles soient religieuses ou pas, et le droit de faire grève au passage.
En fait Le Chevalier de La Barre est un repaire de laïcards désuets qui vouent un culte passionné à un Etat unique et indivisible, une sorte de big brother qui doit tout connaître de ses ouailles, lesquelles ne doivent "être asservies à quelque autorité que ce soit sauf celle de la loi".
Pour eux, l'individu n'existe que si on peut le reconnaître !. La violence verbale de ces ayatollah étatistes : "singularité usurpée", "signe d'appartenance falsifié", "caractère d'imposture" donnerait presque envie de porter un de ces horribles sacs grillagés.
Le clergé fit condamner le Chevalier de La Barre parce qu'il ne s'était pas découvert devant une procession religieuse. Ceux qui prétendent défendre sa mémoire, condamnent maintenant une minorité religieuse parce qu'elle ne se découvre pas devant le pouvoir étatiste. Ces chevaliers de l'apocalypse ne s'aperçoivent même pas de la similitude de leur idéologie avec celle qu'ils prétendent combattre.

Allons, "tout cela n'a pas beaucoup d'importance, après tout il ne s'agit que d'interdire la tenue imposée aux femmes par une secte obscurantiste" (et de surcroit musulmane) pensent la majorité de nos concitoyens.

Ceux qui pensent cela devraient se méfier des retours de bâton du dirigisme. Outre le fait qu'une femme peut vouloir porter volontairement cette tenue, et qu'il n'y a dans ce cas aucune raison de le lui interdire, on ne combat pas l'obscurantisme religieux en interdisant ses parures ou ses cérémonies. Au contraire, en le victimisant on le renforce et on le fortifie.

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