Extrait du discours prononcé à
Marseille le 1er septembre 2006 par Nicolas Sarkozy.
"C’est la fierté d’être Français qui
rendra à la jeunesse française la force d’écrire sa propre histoire. C’est elle
qui portera l’élan collectif par lequel vous redeviendrez capables de
transformer le monde.
La France est votre pays, c'est votre
nation, c'est votre patrie et vous n’en avez pas d’autre, même si vos parents
ou vos grands-parents sont venus d’ailleurs.
Haïr la France c’est se haïr soi-même. Manquer de respect à la France c'est
perdre sa dignité. Ne pas aimer la France quand on est Français c'est se renier
soi-même.
Aimez la France ! Elle le mérite. Donnez-vous les moyens de la transformer si
vous trouvez qu’elle n’est pas à la hauteur de l’idée que vous vous faites
d'elle. Prenez vos responsabilités, mobilisez-vous, agissez pour l’élever
jusqu’à l’idéal que vous souhaitez la voir incarner. "
Comment la pensée libérale peut-elle interpréter ce discours ?
Pour décrypter le message il faut d'abord
donner une définition de "la France"... pour immédiatement s'apercevoir que
l'expression "la France" désigne trois notions distinctes
-1- La France c'est d'abord un territoire
géographique associé à une force de coercition chargée d'y faire respecter la
loi et d'empêcher les agressions extérieures (justice, armée, police). Les
"français" sont les personnes qui sont reconnues comme tels par cette force de
coercition.
-2- La France, dans le langage organiciste des
médias, c'est aussi le gouvernement français et ce qu'il décide pour l'ensemble
des français. ("La France" envoie ses soldats au Liban, "la France" signe les
accords de Kyoto, ...)
-3- La France enfin, est un ensemble composé
de la langue, de la tradition, des coutumes, du mode de vie, de l'éducation,
des "valeurs" françaises étendues aux arts et aux sports. Ce qu'il est convenu
d'appeler la "culture française".
Le discours de M. Sarkozy ne peut pas
s'appliquer à la première définition. Il n'aurait aucun sens.
Si on l'appliquait à la deuxième définition,
le discours de M. Sarkozy, serait particulièrement inquiétant puisqu'il
dénoterait une nette tendance au totalitarisme de la part de son auteur. Le
fait de haïr l'action des gouvernements français de droite ou de gauche - par
exemple leur soutien répété et persistant à des dictateurs sanguinaires -
voudrait dire qu'on se haïrait soi-même ? Cela supposerait une identification
fusionnelle de l'individu et de sa "Patrie". Nous exonérerons M. Sarkozy de ce
national-collectivisme, totalement anti-libéral et proche d'un Lepenisme
primaire, en considérant que sa phrase ne s'applique pas à cette deuxième
définition.
Considérons donc que l'invective de M. Sarkozy s'applique à la troisième
définition de la France.
ne pas aimer la langue, la culture,
les traditions françaises c'est se renier soi-même nous dit-il.
Vous qui détestez la baguette, le pot-au-feu,
l'académie française, le camembert, les défilés de mode ou l'équipe de France
de foot, vous les corses, basques, bretons, chinois du 13e, juifs orthodoxes,
moines boudhistes, surfeurs, jeunes des banlieues, mettez vous bien dans la
tête que vous êtes des rénégats.
Difficile de trouver un discours plus opposé
que celui-là aux idéaux libéraux. Le nationalisme de M. Sarkozy, reflet de
l'opinion de son parti, dévoile son visage réducteur et sa négation de
l'individu souverain. Aimez la France ! (c'est un ordre). Si la France
"n’est pas à la hauteur de l’idée que vous vous faites d'elle ... agissez
pour l’élever jusqu’à l’idéal que vous souhaitez la voir incarner "
Pas question donc de se désintéresser de ce
groupe fusionnel, qu'est "la France". Participer à l'idéal français est un
devoir hors duquel on se renie soi-même.
Or, tout à l'opposé de ce discours, c'est le
propre des libéraux de ne pas vouloir imposer aux autres, leurs choix,
culturels, moraux, communautaires, et même politiques, de refuser tant que cela
est possible la dictature de la majorité.
La majorité des lecteurs de ce billet est
probablement attachée à "la France" à la culture et aux traditions françaises.
Mais cet attachement, pour être compatible avec le libéralisme doit être
librement consenti. Il ne doit pas être imposé. Il ne doit pas être dirigé par
une pseudo morale nationaliste et il ne doit pas servir de prétexte à des
barrières culturelles ou économiques.
On mesure le gouffre qui sépare Nicolas Sarkozy
des libéraux.
On mesure également l'inculture
politique de ceux qui essayent d'attribuer une étiquette "libérale" au candidat
Sarkozy. A moins que cette falsification n'ait pour but de créer un
écran de fumée propice au lobby étatiste : ne pas engager le débat avec les
vrais libéraux.et jouer à se transmettre le pouvoir en alternance,
socialiste-conservateurs, jusqu'à ce que la montée des extrêmes fasse capoter
la belle entreprise.