Gauche libérale - Mot-clé - 1789Valeurs libérales classiques de la gauche originelle. Droits de l'homme - liberté - laïcité - raison2024-03-01T19:42:20+01:00association gauche libéraleurn:md5:c8a69c990e3072db2745e87b929cd340DotclearLes Droits de l'Homme de 1789 et ceux de 1948urn:md5:69430f7d36d8cb5869b885fb36562db82010-09-30T00:44:00+02:002019-11-01T13:11:28+01:00Alain Cohen-DumouchelLigne politique1789droit naturelDroits de l hommelibéral<p><img title="DDH 1789, sept. 2010" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="" src="https://www.gaucheliberale.org/public/images/DDH89-hprg.jpg" />Le discours politique actuel, tel
qu'il émane des partis ou des médias, utilise les termes "Droits de l'Homme" en
agrégeant dans un même concept les Droits de l'Homme de 1789 et les Droits de
l'Homme de 1948. Pour le spectateur politique contemporain, peu averti de
l'histoire des idées, la déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948
apparait comme une amélioration et un enrichissement de celle de 1789. On
pense généralement que des idées communes y sont exposées de façon plus
détaillée et réparties dans des articles plus nombreux. Aux yeux du public il
s'agit donc de la même déclaration, rendue "universelle" par l'engagement des
grandes puissances, tel qu'il figure dans son préambule, "<em>d'en assurer, par
des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance
et l'application universelles et effectives</em>".<br />
<br />
Comme nous allons le voir, tout ceci est erroné et les deux Déclarations des
Droits de l'Homme sont extrêmement différentes dans leur forme et dans leur
esprit, même si la similitude de leur présentation laisse croire le
contraire<br />
<br />
Commençons par examiner la DDH de 1789 dans tout ce qu'elle a d'inédit et de
subversif.</p> <p>Rédigée en 1789, la DDH est l'expression de la philosophie des lumières.
Elle constitue un véritable manifeste libéral (même si le mot n'existait pas à
l'époque). Elle énonce les principes qui devaient guider la première révolution
française dans son abolition des privilèges tant politiques
qu'économiques.<br />
<br />
Première remarque absolument fondamentale si l'on veut comprendre l'esprit de
la DDH de 89 c'est que les Droits qui y sont exposés sont
<strong>reconnus</strong> par les représentants du peuple français. Ceci est
explicite dans la dernière phrase de son préambule : "<em>l’Assemblée nationale
<strong>reconnaît</strong> et déclare, en présence et sous les auspices de
l’Être Suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen.</em>"<br />
Pour la première fois depuis quatre mille ans des Droits ne sont pas
<strong>promulgués</strong> par le pouvoir mais <strong>reconnus</strong> par
lui. Le pouvoir temporel se place donc dans un état de <em>sujetion</em>,
<em>d'obéissance</em>, de <em>dépendance</em> par rapport à des Droits dit
"naturels" qui sont antérieurs à toute législation. D'ailleurs le préambule de
la déclaration est d'emblée accusateur et méfiant vis à vis du pouvoir :
<em>considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme
sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des
Gouvernements, ...</em><br />
<br />
Deux cent vingts ans après, cette humilité du législateur face aux Droits
naturels des Hommes demeure toujours aussi révolutionnaire. Comme on le verra
plus loin, cette disposition d'esprit n'existe pas dans la Déclaration
Universelle, elle est également gommée par les pouvoirs politiques de nos
démocraties modernes qui toutes s'attribuent la source du Droit.<br />
<br />
Le préambule de la DDH de 89 fait explicitement référence aux "<em>droits
naturels, inaliénables et sacrés de l’homme</em>" que les "<em>Représentants du
Peuple Français</em>" ont résolu "<strong>d’exposer</strong>", dans une
"<em>Déclaration solennelle</em>". Là aussi les Droits ne sont pas promulgués,
ou décrêtés mais seulement "exposés". Les termes "Droits naturels" sont
repris dans les articles II et IV.<br />
<br />
Il est rare qu'un texte législatif se fasse menaçant à l'égard du pouvoir. Cela
n'aurait d'ailleurs aucun sens si la source du Droit n'était pas reconnue
<em>extérieure</em> au texte lui-même. C'est cela qui fait le caractère
exceptionnel de cette DDH de 89 qui dans son préambule et dans plusieurs
articles <em>menace</em> les pouvoirs législatifs et exécutifs de sanctions :
<em>Art V La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la
Société</em>. Art VII <em>Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou
font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis</em> ; Art VIII <em>La
Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires</em> ;
Art. XV <em>La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son
administration</em>.<br />
Enfin parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme figure, Art
II, <em>la résistance à l'oppression</em>.<br />
Autant d'articles qui ont toujours force de loi dans notre constitution même
s'il sont continuellement bafoués par le pouvoir.<br />
<br />
Autre caractéristique essentielle de cette DDH de 89, c'est qu'elle établit une
distinction entre les Droits de l'Homme et les Droits du Citoyen. Pour la
première fois dans l'histoire un texte reconnait que les Hommes ont des droits
<em>distincts</em> de ceux du citoyen. Cette distinction est fondamentale et
absolument révolutionnaire car pour la première fois il ne s'agit plus de
légiférer pour déterminer le comportement des hommes <em>entre eux</em> ou
<em>par rapport à une autorité supérieure</em> (divine, royale ou même
républicaine), mais de reconnaître les droits imprescriptibles
<strong><em>propres</em></strong> à chaque être humain. L'Homme devient
donc un individu souverain, dotés de Droits que, ni la collectivité, ni l'Etat
ni même la religion ne peuvent lui contester ou lui retirer.<br />
C'est contre ce prodigieux concept libéral, qui permettait enfin aux individus
de s'affranchir politiquement de la tribu, du clan, de la corporation,de la
caste et dans une certaine mesure de la famille, que s'élèveront tous les
collectivistes, et notamment Marx.<br />
<br />
Il faut bien comprendre que les Droits énoncés dans la DDH de 89 n'ont été ni
votés ni promulgués. Ce qui a été voté le 26 août 1789 c'est simplement le
contenu, la forme du texte qui les reconnaissaient. La DDH de 89 ne
résulte donc pas de la volonté d'un législateur, d'un consensus ou d'une
négociation. Les Droits de l'Homme <em>existent</em> et les représentants du
peuple français ont simplement <em>reconnu</em> et <em>exposé</em> cette
existence ce 26 août 1789.<br />
<br />
On établit parfois une filiation entre la DDH de 89 et la Magna Carta de 1215
parce que ce texte accordait certaines garanties et libertés aux citoyens.
C'est aller un peu vite en besogne car contrairement à la DDH de 89, la Magna
Carta est un simple texte de droit positif inspiré au baronnage anglais par les
excès de pouvoir et l'arbitraire royal. La Magna Carta ne <em>reconnait</em>
pas des Droits aux Hommes, elle les <em>promulgue</em>, ce qui très différent
puisque le pouvoir peut parfaitement décider de les lui <em>retirer</em> dans
l'avenir.<br />
<br />
Comme nous le verrons dans un prochain article, la DUDH de 1948 a intégralement
perdu le côté révolutionnaire de la DDH de 89 pour se rapprocher étrangement de
l'esprit de la Magna Carta, à savoir une charte où les puissants de ce monde
décident d'accorder des Droits aux Hommes pour les "protéger". Il y a là une
terrible régression, un recul de sept cents ans.</p>
<h6>Photo flickR licence CC par Hotels Paris Rive Gauche</h6>L'économie de la révolution française ou pourquoi la révolution des Droits de l'homme a-t-elle débouché sur la Terreur ?urn:md5:7f097e876d1fccd7c1f6a80b3681bbd12010-08-21T16:05:00+02:002019-10-30T10:08:38+01:00Alain Cohen-DumouchelLectures17891793Assignatsdroits de l hommeEconomieFlorin AftalionRévolution françaiseterreur<p>Paru en 1986 l'économie de la révolution française a été réédité par les
Belles Lettres en 2007. C'est un ouvrage tout à fait remarquable, un des
seuls livres d'histoire qui rend compréhensible et cohérente la succession de
crises et de coups de théâtre qui ont fait la révolution française.<img title="economie de la révolution française, août 2010" style="margin: 0 0 1em 1em; float: right;" alt="" src="https://www.gaucheliberale.org/public/images/aftalion-eco-rev-fr.jpg" /><br />
<br />
Alors que les récits évènementiels de la révolution française sont.quasi
incompréhensibles tant ils font appel à l'anecdote (notamment les manuels
scolaires), ici les décisions prises par l'assemblée révolutionnaire
s'ordonnent logiquement et tragiquement à la lumière des graves erreurs
économiques qu'elle commet à ses débuts. Complètement négligée par la plupart
des historiens (Michelet n'y consacre pas une page) F. Aftalion montre comment
l'émission des assignats a entrainé le pouvoir dans un dirigisme économique
exactement contraire aux principes de 1789. Il montre aussi que les économistes
de l'époque possédaient les connaissances théoriques qui invalidaient la
solution facile du papier monnaie. Il explique de façon brillante comment la
terreur naquit "naturellement" de la fuite en avant vers toujours plus de
dirigisme économique, jusqu'à l'instauration du "maximum" (fixation des prix)
qui devait provoquer la chute de la production, une famine épouvantable et des
millions de morts.</p> <p>L'une des grandes innovations de cet ouvrage consiste à démontrer
comment l'assemblée, tout en sachant très bien les erreurs qu'elle commettait,
était incitée à satisfaire "la rue" c'est à dire les groupes de pression
violents qui l'assiégeait régulièrement. Prenant des décisions chaque jour plus
catastrophiques pour parer au plus pressé et calmer l'opinion, l'assemblée
augmentait les difficultés économiques tout en laissant accuser les agioteurs,
les accapareurs, l'étranger et "les riches". Florin Aftalion utilise ici les
techniques modernes de l'école du "public choice". pour analyser le
comportement des dirigeants révolutionnaires. La structure sociale du pouvoir
est étudiée comme un système économique où les individus se comportent
rationnellement, obéissant tantôt à leur idéal mais le plus souvent à leurs
intérêts à court terme à savoir l'accès à une plus grande popularité, synonyme
du pouvoir.<br />
<br />
Comme Marx, F. Aftalion analyse la cascade d'évènements qui constitue la
révolution française sous l'angle purement <em>économique</em>. Mais à la
différence de celui-ci il refuse de prêter des <em>intentions</em> aux
catégories sociales. Ce que Marx appelle la "bourgeoisie" et les "nouvelles
forces productives" sont des entités collectives abstraites inventées pour les
besoins de sa théorie historiciste de renversement du mode de propriété qui
serait devenu une entrave à leur essor. Elle n'ont aucune réalité de terrain
puisque les classes sociales interpénétraient les différents ordres politiques.
En particulier les entrepreneurs de la nouvelle économie de l'époque étaient
souvent des nobles et non des bourgeois qui rêvaient, eux de posséder des
terres.<br />
<br />
Ce livre prend un sens particulier avec la crise actuelle (2007-2010) où l'on
voit des économistes et une partie du pouvoir préconiser exactement les mêmes
solutions désastreuses qui furent adoptées à l'époque à savoir endettement,
émission de monnaie, contrôle des prix, lutte contre la spéculation, taxations
diverses et désigner les mêmes ennemis : banquiers (agioteurs), spéculateurs
(accapareurs), la mondialisation (l'étranger), les riches (les riches). Même le
capitalisme était déjà désigné comme ennemi : "<em>On voudrait nous
pousser l'épée dans les reins, nous intimider par ces considérations de ruine
prochaine de l'Etat. Comme la banqueroute ne tomberait que sur les gros
capitalistes de Paris et des grandes villes, qui ruinent l'Etat par les
intérêts excessifs qu'ils ont exigés, je n'y verrais pas grand mal</em>". Eh
non, vous ne rêvez pas, ce n'est pas extrait du <em>Marianne</em> de la semaine
dernière mais c'est ce qu'écrivait un député en 1789 (cité par Marcel Marion
dans <em>Histoire financière de la France</em>).<br />
<br />
L'histoire ne doit pas se répéter c'est pourquoi il est urgent de lire
l'économie de la révolution française maintenant !</p>Yves Guyot - la Tyrannie collectivisteurn:md5:62ca57161b92c01a55340a6115beaf2e2009-07-07T23:33:00+02:002019-10-31T10:26:45+01:00Alain Cohen-DumouchelLectures1789droits de l hommelibéralsocialismeYves guyot<p style="margin-bottom: 0cm;">Yves Guyot 1843 - 1928 <img title="guyot, juil 2009" style="margin: 0 0 1em 1em; float: right;" alt="" src="https://www.gaucheliberale.org/public/images/guyot-ptit.jpg" /></p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Libéral, Républicain, économiste et journaliste,
il fut député de Paris de 1885 à 1893 et ministre des travaux publics de 1889 à
1893.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Dreyfusard de la première heure,
antiboulangiste, anticlérical et laïque, Yves Guyot fait partie des libéraux
"de gauche" qui s'opposaient farouchement au socialisme.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Libéral militant, il fut à la fin de sa vie et
pendant vingt ans le rédacteur en chef de la célèbre revue des économistes.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm;">Les belles lettres ont ressorti de l'oubli en
2005 des extraits de deux ouvrages : "<em>la tyrannie collectiviste</em>" (qui
sert de titre au recueil) et "<em>les principes de 89 et le
socialisme</em>".</p> <p>Qu'on en soit tout de suite informé, le style n'est pas à la hauteur des
idées exprimées. Rien à voir avec l'écriture d'un Bastiat. En fait, l'intérêt
et l'originalité de ce livre tiennent d'une part au positionnement de son
auteur : à cette époque on pouvait être libéral "orthodoxe" <em>et</em> de
gauche et d'autre part à la violente critique qu'il fait du socialisme.</p>
<p>Comme pour Bastiat on est frappé par l'incroyable persistance des débats
politiques. Les sujets abordés par Guyot et les arguments socialistes et
collectivistes qu'ils réfute sont toujours les mêmes 120 ans plus tard.</p>
<p>Aussi, comment ne pas être saisi de la justesse de vue de ces libéraux
français qui avaient clairement prévu le devenir de la société collectiviste.
Chez Guyot la mécanique socialiste est décrite avec ses conséquence économiques
et politiques. On ne peut pas dire que les fabricants de goulag et de misère
n'avaient pas été prévenus. Tout y est !</p>
<p>L'attention que Guyot prête aux principes de 89, ces Droits de l'homme
foulés au pied par les socialistes (et par la droite), est un axe important de
définition d'une gauche libérale. Guyot montre que l'individualisme est un
immense progrès et une des conditions du développement humain. Il présente le
socialisme comme une régression vers les âges ou l'individu n'était rien. Avec
des références à Hegel et à Marx il a déjà une vision de ceux que Karl Popper
appellera : les ennemis de la société ouverte.</p>
<p>Dans "les principes de 89 et le socialisme" le chapitre III s'intitule :
"Les corporations maitrises et jurandes et la liberté du travail". C'est un
texte qui décrit tous les obstacles au travail accumulés au fil du temps par
l'ancien régime. Il faut absolument lire ces douze pages saisissantes pour
mieux réaliser l'oeuvre de la révolution sur le plan économique. Ceux qui,
encore aujourd'hui, veulent établir cette stupide distinction entre libéralisme
politique et économique, devraient y trouver matière à réflexion.</p>
<p><strong>Quelques extraits choisis :</strong></p>
<blockquote>
<p>Les patrons ont leur très grande part de responsabilité aussi dans le
mouvement socialiste, non pas que je leur reproche leur âpreté leur dureté, et
de ne pas s'être assez occupé de leurs ouvriers. Au contraire, je leur reproche
de s'en être trop occupé et, en s'en occupant, d'avoir méconnu le véritable
caractère du contrat de travail.<br />
L'employeur n'est ni le directeur religieux, ni le directeur politique, ni le
directeur intellectuel des travailleurs. Quand M. Chagot intervenait pour faire
enterrer religieusement un ouvrier qui voulait être enterré civilement, il
était dans son tort. Quand M. de Solanges se sert de sa situation
d'administrateur des mines de Carmaux pour se faire élire député, qu'en
résulte-t-il ? C'est que les mineurs prennent leur revanche trois ans après et
choisissent M. Baudin pour messie.<br />
Les travailleurs n'ont qu'une obligation à l'égard de leur patron : c'est
l'oeuvre de production pour laquelle il reçoivent un salaire. Si le patron veut
en exiger autre chose, il commet un abus : dans ce cas il aboutit à la
servilité, à la révolte ou à l'hypocrisie, et il prépare de terribles
retours.<br />
Si des patrons ont trop souvent méconnu cette vérité, c'est que la plupart en
sont encore à la vieille conception du chef de tribu.</p>
</blockquote>
<p>Voilà qui répond de façon très moderne à la nostalgie du paternalisme
patronal exprimé par Jacques de Guénin dans ses conférences sur le libéralisme.
Toutes les visions libérales ne se confondent pas, loin de là.</p>
<blockquote>
<p>La conception des devoirs économiques de l'Etat est la même pour ce
gros propriétaire foncier qui se déclare "conservateur", pour ce grand
industriel qui a la haine des socialistes et pour ce socialiste misérable qui
lance ses invectives haineuses contre la propriété et l'usine. Ils commentent
la même erreur. Ils sont victimes de la même illusion. Ces gens qui se croient
ennemis sont des frères en doctrine.</p>
</blockquote>
<p>L'interventionnisme et la négation économique de l'individu fait des
étatistes de droite ou de gauche des "frères en doctrine", quel régal !
toujours aussi pertinent de nos jours.</p>
<blockquote>
<p>Mais que demandent les socialistes ? la suppression de la concurrence c'est
à dire l'étiolement.<br />
Leur idéal, non seulement dans l'Etat futur qu'ils se gardent bien de décrire,
comme l'a reconnu Liebnecht au congrès d'Erfurt, mais dans leur législation
transactionnelle, c'est l'économie politique dépressive : fondée sur l'envie,
la jalousie et la contrainte, la mendicité violente de privilèges, le
fractionnement de la nation en classes, acharnées à s'arracher des lambeaux de
fortune à l'aide du pouvoir, la politique n'étant considérée que comme un
instrument de spoliation ; sur le mépris de l'individu et sa sujétion à des
combinaisons de groupes despotiques et irresponsables.</p>
</blockquote>
<p>Un passage qui fait immanquablement penser aux émeutes de Guadeloupe et au
LKP, cristallisation de la méthode de fonctionnement d'une part de plus en plus
importante de la société française en ce début du XXIe siècle.</p>
<blockquote>
<p>... le mouvement socialiste n'est que l'expression de vieilles formes de
sociétés, de vieilles idées, de vieux sophismes, de survivances, de
fétichismes, un essai de subordination du progrès industriel et économique à
des modalités de civilisations primitives, nous devons nous y opposer au nom du
progrès : car les prétendues "avancés" qui le dirigent, ramèneraient
l'organisme social avec ses éléments complexes, de plus en plus adaptés à la
division du travail, au collectivisme primitif.</p>
</blockquote>
L'idée que le socialisme n'est pas un progrès mais une résurgence des formes
primitives d'organisation sociale s'exprime naturellement chez un libéral
anticlérical. Certains libéraux plus attachés que Guyot à l'héritage de la
civilisation chrétienne hésitent à la mettre en avant. C'est pourtant une idée
fondamentale.<br />
<br />
<blockquote>
<p>Les socialistes répètent volontiers, comme un cliché, une formule de M.
Victor Modeste : "les pauvres deviennent plus pauvre". Mais comment M. Victor
Modeste l'avait-il établie ? En constatant sur des registres de l'Assistance
publique que c'étaient toujours les mêmes familles qui s'y trouvaient. Certes
voilà un argument décisif contre le socialisme : car il prouve que les secours
donnés à ces gens, au lieu de les aider à se développer et à s'élever dans la
vie, en avaient fait une corporation de mendiants</p>
</blockquote>
Eh oui, les pauvres qui deviennent plus pauvres, ce n'est pas nouveau ! Et
Guyot montre en un mot que le socialisme, loin d'éradiquer la pauvreté, la
pérennise.<br />
<br />
<blockquote>
<p>En réalité entre les prétentions des socialistes et leur caractère réel, il
y a contradiction complète, à commencer par leur titre même ; car nous venons
de le démontrer, ce sont des antisociaux. Ils se prétendent égalitaires, et ils
emploient tous leurs efforts à constituer des inégalités. Ils réclament la
liberté pour eux, mais dans le but d'opprimer les autres et eux-même
réciproquement. Ils se prétendent avancés, et les procédés qu'ils proposent
aboutissent à frapper d'arrêt de développement ceux à qui ils s'appliquent ; et
l'idéal qu'ils nous offrent c'est la régression vers les civilisations
passées.</p>
</blockquote>
En prenant pour dénomination une vertu ou une science, les socialistes ont
réussi à tromper l'opinion. Guyot avait déjà compris que le socialisme n'était
pas social. De nos jours le même phénomène ressurgit avec l'écologie politique,
mouvement semi-religieux régressif qui s'est attribué le nom d'une science pour
mieux freiner les progrès biologiques, énergétiques et environnementaux.<br />
<br />
<blockquote>
<p>Comme si la philanthropie, qui est une attitude de sympathie pour certaines
personnes, avait quelque corrélation avec la justice qui est un acte
d'impartialité envers tous ; et comme si accorder par philanthropie des
privilèges aux humbles et aux petits ce n'était pas violer le principe de "la
justice", en vertu duquel tout privilège est une spoliation !</p>
</blockquote>
Le débat sur l'égalité de fait qui viole l'égalité de Droit est quasiment
absent de la scène politique actuelle. La droite ne peut opposer cet argument à
la gauche étatiste puisque, si elle ne souhaite pas l'égalité de fait, elle ne
veut pas non plus de l'égalité en Droit. Elle est donc muette sur le
sujet.<br />
<br />
<blockquote>
<p>Des égoïstes ! nous qualifie le philanthrope Henry Maret. Parce qu'un
journal a raconté qu'une pauvre femme est morte de misère, il conclut que «
toute propriété qui n'est pas le gain du travail est un vol» et il s'écrie: «
Laissez faire l'exploiteur, ainsi le veut la liberté, ainsi le veut l'économie
politique, ainsi le veut Gournay. »<br />
Si M. Henry Maret se donnait la peine d'observer un peu l'histoire, il saurait
que les prôneurs de charité, les fondateurs de prix de vertu, les rêveurs
sentimentaux, les écrivains pathétiques, les orateurs larmoyants, les poètes
pleureurs n'ont joué qu'un rôle insignifiant dans la lutte contre la misère,
dans le développement du bien-être, dans le progrès de la richesse et sa
diffusion; il apprendrait que tous les utopistes, depuis Platon jusqu'à Cabet,
n'ont servi qu'à amuser des naïfs et qu'à détourner les malheureux du travail
utile et de l'épargne qui leur auraient donné ce qu'ils demandaient en vain à
des chimères. Quant aux théoriciens et aux praticiens de guerre sociale, aussi
bien ceux de 1848 que ceux de 1871, il ne doit pas ignorer qu'ils ont pris des
ruines pour piédestal, et qu'ils n'ont laissé d'autres traces que des souvenirs
d'épouvante.<br />
[...] Aux hommes utiles et silencieux qui ont augmenté la production du blé et
du bétail; qui ont permis à tout le monde, dans les quelques pays, dits
civilisés, qui se trouvent sur le globe, d'avoir du linge et des souliers, qui
ont facilité les transports, les transactions, appris la comptabilité,
développé le crédit, permis à tous de prendre des habitudes d'épargne et de
prévoyance; qui ont abaissé les obstacles que les divers gouvernements avaient
mis entre les producteurs et les consommateurs; qui ont essayé d'introduire
dans le monde ces droits méconnus : la liberté du travail et de la circulation,
l'humanité réservera sa reconnaissance quand elle aura une réelle conscience
des conditions de ses progrès; et parmi ces destructeurs de la misère, elle
placera au premier rang, Gournay, ses amis les physiocrates et les économistes
qui, mettant leur devoir au-dessus de la popularité, continuent de déblayer la
voie de tous les obstacles qu'y amoncèlent à l'envi les ignorants et les
marchands d'orviétan social.</p>
</blockquote>
Un bel hommage à l'individualisme moteur du progrès social, que les dirigistes
veulent absolument confondre avec l'égoïsme.<br />
<br />
<blockquote>
<p>Les charlatans ou les naïfs qui croient que « la société» doit assurer « le
bonheur commun» et prodiguer des alouettes toutes rôties à ceux qui en
demandent, se prétendent «avancés ». Ils en sont à la société patriarcale,
dans laquelle le chef de famille se chargeait du bonheur de sa femme, de ses
enfants, de ses serviteurs, tous esclaves.<br />
Ils en sont à la théorie de la monarchie absolue de droit divin, dans laquelle
le roi, père et maître des personnes et des biens de ses sujets, se chargeait
de leur bonheur, sans admettre qu'ils eussent le droit de s'occuper de leurs
propres affaires.<br />
La Révolution de 1789 a brisé ce système. La Convention a renoué cette
tradition qui représente le socialisme actuel.<br />
Robespierre a été l'incarnation de l'esprit de régression dans la Révolution.
Louis Blanc, son apologiste, est un des pères du socialisme.<br />
Les socialistes révolutionnaires ont beau crier qu'ils marchent en avant: -
leur conception ? c'est le gouvernement paternel, de tous le plus rétrograde ;
leur moyen? c'est la force, de tous le plus primitif.</p>
</blockquote>
A nouveau le socialisme présenté fort justement comme une régression vers le
paternalisme et la violence des sociétés primitives.<br />
<br />
<blockquote>
<p>Les garanties que la Révolution donnait à la propriété, elle les donnait à
la propriété en général, et si elle spécifiait plus particulièrement pour la
propriété immobilière, elle n'oubliait pas la propriété mobilière. Elle lui
permettait de se constituer par la liberté de l'industrie et du commerce. Elle
donnait aux capitaux la liberté d'action dont ils étaient privés : car
antérieurement le prêt à intérêt n'était autorisé qu'à titre perpétuel, par
constitution de rente ; mais en vertu de l'ordonnance de Blois, tous prêts
temporaires d'intérêts étaient réputés usuraires et ngoureusement
prohibés.<br />
Quand des socialistes s'élèvent contre le prêt à intérêt, ils se croient
avancés: ils datent des Pères de l'Église ils rééditent les anathèmes de
Bossuet sur l'usure ils reviennent à la législation de l'Ancien Régime qui
n'empêchait point les traitants de s'enrichir, mais empêchait l'épargne de
fructifier.<br />
[...]<br />
Voilà, l'œuvre de la Révolution. Les collectivistes socialistes
révolutionnaires demandent la suppression de la propriété individuelle, de
manière que le gouvernement de demain puisse se considérer, comme Louis XIV, le
seul propriétaire de la nation.</p>
</blockquote>
Ceux qui diabolisent les revenus de la rente et du capital et encensent les
revenus du travail se rangent aux côtés des pires cléricaux, des antisémites et
des doctrines de l'ancien régime. Il est bon de le rappeler, même à notre
président, merci M. Guyot.<br />